Ce jeudi, un groupe constitué de sept députés et sept sénateurs se rassemble dans le but d’élaborer une version consensuelle du projet de loi de finances. Cependant, même s’ils parviennent à s’entendre, cela ne signifie pas forcément que le Parlement approuvera leur proposition.
L’heure décisive est proche. Quinze jours après que le Sénat ait adopté le projet de budget pour 2025, une réunion cruciale entre députés et sénateurs se profile. La commission mixte paritaire, qui se tiendra ce jeudi 30 janvier, a pour objectif d’unifier les divergences entre les deux branches du Parlement sur le texte budgétaire. Quatorze politiques, sept de chaque chambre, ont pour mission de trouver un terrain d’entente. Ce rendez-vous représente également une ultime opportunité pour apporter des modifications au projet. Voici un aperçu des enjeux de cette négociation essentielle pour le budget et le futur de l’exécutif sous François Bayrou.
1 Une commission majoritairement favorable au gouvernement
Dans le cadre de la Ve République, recourir aux commissions mixtes paritaires n’est pas inhabituel. Elles sont convoquées à la demande du Premier ministre ou des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale lorsque des désaccords subsistent sur le libellé définitif des textes. Ces commissions réunissent systématiquement sept députés et sept sénateurs, qui se retrouvent à huis clos, à partir de 9h30. Leur sélection s’effectue en suivant des critères de représentativité établis par les présidents des groupes politiques. En termes de composition, la majorité des membres de la commission soutient le gouvernement, avec huit d’entre eux alignés sur l’exécutif. On y trouve des figures politiques comme les députés David Amiel, Jean-Paul Matteï et Philippe Juvin, ainsi que les sénateurs Vincent Capo-Canellas, Didier Rambaud, Jean-François Husson, Christine Lavarde et Stéphane Sautarel.
Du côté de l’opposition, celle-ci est représentée par les sénateurs socialistes Claude Raynal et Thierry Cozic, ainsi que par le député Philippe Brun. La France Insoumise est incarnée par Eric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée, et le Rassemblement national est représenté par les députés Jean-Philippe Tanguy et Matthias Renault. Quatorze suppléants participeront également, habilités à prendre la parole mais non à voter. Les discussions pourraient s’étendre sur plusieurs jours, comme le rappelle Public Sénat, évoquant un record actuel de trois jours.
2 Le texte amendé par le Sénat comme point de départ
Le Sénat sert ici de base de travail (après une adoption par 217 voix contre 105) au projet conçu à l’origine par Michel Barnier en octobre, mais rejeté par l’Assemblée nationale en première lecture en novembre. Comporte une dominante de droite, le Sénat a apporté des modifications à ce texte budgétaire avec, en ligne de mire, la réduction des dépenses. Christine Lavarde, cheffe du groupe LR, l’avait d’ailleurs souligné, affirmant qu’il s’agissait avant tout d’un « budget responsable » conçu par le Sénat.
Prenant en compte les objectifs d’économies de 32 milliards d’euros et de nouvelles recettes de 21 milliards pour ramener le déficit public à 5,4 % du PIB d’ici 2025, le plan prévoit des taxes temporaires sur les ménages fortunés (220 millions) et une contribution exceptionnelle des grandes entreprises (8 milliards). La partie dépenses a été l’objet de nombreuses économies supplémentaires proposées par le gouvernement, notamment une réduction d’un milliard pour l’écologie, de 800 millions pour l’aide publique au développement et de 600 millions pour la recherche et l’enseignement supérieur. Cependant, l’effort demandé aux collectivités locales a été limité à 2,2 milliards d’euros, inférieur aux 5 milliards initialement prévus.
3 Les socialistes réclamant des concessions accrues
Les socialistes, pivots potentiels dans cette négociation d’envergure, exigent des avancées supplémentaires faute de quoi ils pourraient convoquer un vote de censure à l’encontre du gouvernement. Bien que certaines de leurs demandes aient été satisfaites, comme le maintien de 4 000 postes dans l’Éducation nationale ou la fin des remboursements réduits pour certains médicaments, les pourparlers avec le gouvernement se sont interrompus mardi suite aux remarques controversées de François Bayrou.
Philippe Brun, principal représentant PS dans la commission, a clairement formulé les attentes du Parti : « Nous devons reprendre les discussions pour négocier le budget ». Il avertit que le gouvernement doit agir pour éviter une censure, insistant sur le besoin pressant d’un budget pour le pays.
Parmi les mesures controversées qui ont été abandonnées figurent la proposition, par la ministre Catherine Vautrin, de travail non rémunéré supplémentaire pour la Sécurité sociale. Les revendications socialistes actuelles incluent une hausse immédiate du SMIC et de la prime d’activité ainsi que le rétablissement des crédits alloués au Fonds vert pour soutenir les collectivités locales dans la transition écologique.
4 Le Rassemblement national en retrait des discussions
Si le Rassemblement national avait joué un rôle central dans les débats précédents, il semble cette fois se mettre en retrait, perçu comme un partenaire moins fiable par François Bayrou. Sans contact direct avec le RN, le gouvernement préfère dialoguer avec les socialistes, comme l’a indiqué une source à France Télévisions. Cela traduit une approche stratégique, le RN évitant par ailleurs de raviver des tentatives de censure qui pourraient compromettre sa crédibilité.
Les cadres du RN, bien conscients du précédent avec Barnier où ils avaient pesé dans la balance, se montrent attentifs à ne pas exacerber l’instabilité politique, indiquant que la censure ne devrait pas être prise à la légère.
5 Le futur du budget demeure incertain malgré une issue positive
En cas de compromis, il nécessitera l’accord final des deux chambres. Le Sénat pourrait voter le texte dès le 7 février. Quant à l’Assemblée, elle l’examinera le 3 février, avant la discussion du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Le gouvernement espère que l’abstention des socialistes, et potentiellement celle du RN, suffira à garantir l’adoption du texte. Néanmoins, les tensions intergroupes augmentent les incertitudes.
Face à un éventuel échec, l’exécutif pourrait recourir, une première sous François Bayrou, à l’article 49.3, passant outre le vote législatif. Une motion de censure émanant de La France Insoumise pourrait en découler. D’où la stratégie proactive du gouvernement pour faire accepter un compromis qui soit acceptable aux socialistes et empêcher un blocage qui pourrait rappeler les imprévus du gouvernement précédent.