Le chef du gouvernement exprime son inquiétude face au risque que Marine Le Pen soit déclarée inéligible, une sentence qui pourrait être appliquée sans délai. Il se souvient qu’il avait été acquitté en 2024 dans une affaire comparable.
Un allié inattendu pour Marine Le Pen et le Rassemblement national ? Lundi 27 janvier, François Bayrou, le Premier ministre, a affirmé sur LCI que les poursuites juridiques contre l’ancienne dirigeante du Rassemblement national étaient « injustes ». Cette dernière, élue du Pas-de-Calais, a été jugée à l’automne dernier avec 24 autres membres du Rassemblement national, ainsi que le parti lui-même, dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires au Parlement européen, avec un verdict prévu pour le 31 mars. Parmi les sanctions possibles, une peine d’inéligibilité pourrait être appliquée immédiatement, sans attendre un appel.
Interrogé sur l’éventualité que Marine Le Pen soit déclarée inéligible en mars, le Premier ministre a répondu qu’ « la responsabilité du gouvernement ne peut pas influer sur la justice ». Il a cependant exprimé son point de vue en déclarant qu’il était problématique que des condamnations puissent être appliquées sans que le droit de faire appel soit respecté.
En effet, le parquet a requis le 13 novembre dernier une peine d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire. Par ailleurs, François Bayrou a exprimé son désaccord avec le fond de l’accusation, qu’il considère « injuste ». Le Rassemblement national est accusé d’avoir financé les assistants de ses eurodéputés avec des fonds européens alors qu’ils travaillaient également pour le parti. Bayrou a défendu la perspective selon laquelle un parti soutient les députés européens pour promouvoir leurs idées, en particulier lorsqu’ils sont minoritaires, afin de faciliter leur réélection.
« Une cohérence à défendre Marine Le Pen »
Au MoDem, la déclaration de François Bayrou est parfaitement en phase avec la position du parti. Le président et plusieurs membres importants du MoDem ont été jugés il y a un an dans une affaire similaire, accusés d’avoir utilisé des fonds européens pour des assistants parlementaires travaillant pour le parti. En février 2024, Bayrou a été acquitté « au bénéfice du doute », tandis que d’autres responsables ont été condamnés « de façon injuste ». Toutefois, cette affaire n’est pas encore concluante, puisque le parquet a interjeté appel de l’acquittement.
« Il a très mal pris le procès du MoDem, car il a perçu une méconnaissance de la part de la justice sur le fonctionnement politique, en particulier concernant le rôle des assistants parlementaires. »
Richard Ramos, député MoDem du Loiretà 42mag.fr
L’élu centriste souligne que Bayrou a toujours perçu le procès du Rassemblement national comme étant injuste également. Pour lui, cette défense de Marine Le Pen est cohérente avec ses valeurs. Ce n’est pas une première pour le Premier ministre, qui a déjà pris position en faveur du parti d’extrême droite.
Bayrou avait exprimé sur BFMTV en novembre, peu avant son entrée à Matignon, qu’il rejetait l’injustice même si elle touchait ses adversaires. « Hier, il a répété ces mêmes mots. Le poste de Premier ministre n’a pas altéré sa franchise, prouvant sa fermeté morale », a déclaré Philippe Vigier, député MoDem d’Eure-et-Loir. Si Bayrou proteste contre l’exécution immédiate d’un verdict dont Marine Le Pen pourra faire appel, cela montre qu’il s’est peut-être précipité dans son raisonnement, selon Vigier. « Il faisait référence à l’exécution provisoire, » a reconnu l’élu. Par ailleurs, en novembre, l’ancien ministre Gérald Darmanin trouvait lui aussi « profondément choquant » que Le Pen risquait une inéligibilité immédiate.
« Une démarche sans arrière-pensée politique »
En dehors du MoDem, les propos de François Bayrou ne font pas l’unanimité. La secrétaire nationale des Écologistes-EELV, Marine Tondelier, a critiqué le Premier ministre pour avoir préféré se rapprocher du Rassemblement national et de Bruno Retailleau plutôt que de parler d’écologie lors de son interview de deux heures. Louis Aliot, numéro deux du RN et également impliqué dans cette affaire, a apprécié la déclaration de Bayrou, relayant ses propos sur les réseaux sociaux.
Les centristes du MoDem assurent que Bayrou agit sans intention stratégique, même si la question du budget, prévue pour la semaine du 3 février, mettra à l’épreuve sa survie politique. Avec une majorité fragile, Bayrou pourrait bénéficier de l’abstention du RN ou d’une fraction du PS pour empêcher la motion de censure menée par La France insoumise. « Ce n’est absolument pas un calcul politique », affirme Richard Ramos.
« Bien sûr, tout a un poids en politique, et au RN, ils comprennent que le MoDem respecte les opposants. »
Richard Ramos, député MoDem du Loiretà 42mag.fr
Interrogé sur une éventuelle entrée du RN dans un gouvernement d’union, François Bayrou a exclu cette option sur LCI. « L’union est nécessaire, à condition de partager des principes communs », a-t-il précisé, soulignant que cela exclut le RN et LFI.
Au Rassemblement national, on se souvient aussi que Bayrou avait parrainé Marine Le Pen à la présidentielle de 2022 « pour préserver la démocratie » et avait soutenu la création d’une « banque de la démocratie » lorsque Le Pen avait des difficultés à obtenir un financement pour sa campagne. Ces positions ont pesé dans le fait que le parti ne s’est pas opposé à sa nomination en décembre dernier.