Chaque jour, une personnalité rejoint l’univers d’Élodie Suigo. Le lundi 13 janvier 2025, c’est le comédien et metteur en scène Roschdy Zem qui participera à l’émission. Il apparaît dans le long-métrage « Hiver à Sokcho » réalisé par Koya Kamura.
La trajectoire unique de Roschdy Zem
Quand on regarde la carrière de Roschdy Zem, on pourrait croire qu’elle a été facile et prédestinée. Cependant, la réalité ne colle pas à ce schéma de conte de fées. Ce qui l’a mené là où il est aujourd’hui réside dans sa détermination, cette assurance silencieuse qui le caractérise, sa capacité à s’adapter et sa passion profonde pour le métier d’acteur. Très jeune, dès un an et demi, il a été confié à une famille d’accueil en Belgique, jusqu’à ses six ans. Ensuite, son premier « théâtre » a été le marché aux puces de Clignancourt. André Téchiné a été le premier à lui donner sa chance avec des films comme J’embrasse pas (1991) et Ma saison préférée (1993). Plus tard, en 1995, Xavier Beauvois lui attribue le rôle remarqué d’un personnage accro aux drogues dans N’oublie pas que tu vas mourir.
L’hiver poignant à Sokcho
Actuellement, on le retrouve à l’écran dans Hiver à Sokcho, un film signé Koya Kamura. L’intrigue se déroule dans une station balnéaire sud-coréenne, où une jeune femme de 23 ans, Soo-ha, partage son quotidien avec sa mère, poissonnière. Elle est employée dans une pension. Un jour, un Français y séjourne et lui rappelle ses racines, en évoquant son père qui l’a quittée avant sa naissance.
Est-ce que ce film traite de sujets qui vous sont chers ?
Roschdy Zem : Oui, il y a un moment dans nos vies où nous rencontrons un tournant inévitable. Ce film m’a touché à ce moment précis. Je me suis retrouvé dans ce personnage un peu décalé, un homme qui ne cherche pas à plaire, qui est centré sur son art. Il est à la fois sensible et fragile, mais montre aussi une sorte de calme et une grande douceur. Ce qui m’a attiré chez ce personnage, c’est son absence de séduction. Il vit dans son propre univers, difficile à pénétrer. Pourtant, on ressent l’envie de l’assister, de le soutenir car il éveille la curiosité.
La discrétion entourant votre vie privée est notable. Peut-on dire que ce film a une importance particulière pour vous maintenant ?
« Je suis à un moment de ma vie où je cherche ce que je n’ai pas encore réalisé. »
Roschdy Zemà 42mag.fr
Pendant longtemps, j’ai eu le contrôle sur mon parcours professionnel et sur moi-même. Maintenant, je ressens le besoin de me libérer, de plonger en moi pour explorer des zones que je n’avais pas encore visitées.
Après l’écriture de « Les Pas perdus »
On dirait qu’il y a un avant et un après la sortie de votre livre autobiographique en 2022. Qu’en pensez-vous ?
Absolument, c’était une étape cruciale. Cela m’a permis de me découvrir. Je n’ai jamais consulté de thérapeute. Mon métier m’offre la possibilité d’une introspection à travers mes rôles, mes histoires, mes films. Écrire sur ma vie et ma famille m’a permis de mieux comprendre mon passé d’immigré et le déracinement. Après cinq décennies, je peux voir les conséquences de ce parcours : s’intégrer sans se perdre, trouver sa place sans oublier d’où l’on vient.
Les liens familiaux jouent un rôle crucial dans ce film. Est-ce que cela trouve un écho en vous ?
Oui, bien sûr, cela me parle. C’est également un thème cher à Koya Kamura, qui partage cette double identité culturelle, franco-japonaise. Il comprend ces enjeux.
« Il est une chose de vivre dans un pays tout en portant un visage qui suggère une autre origine. »
Roschdy Zemà 42mag.fr
Apprendre à s’épanouir avec cette dualité n’est pas simple pour tout le monde. Certains le voient comme un fardeau, d’autres comme une barrière. Ce film explore le concept de trouver son équilibre et s’harmoniser avec autrui. Les autres, par leurs jugements, peuvent nous faire sentir complexes ou inférieurs.
L’évolution personnelle depuis l’enfance
Comment avez-vous vécu la perception d’autrui durant votre enfance ?
J’ai traversé plusieurs phases. Au départ, je rejetais mes racines et mon origine. J’avais honte de mes parents analphabètes. Ensuite est venue une phase de revendication forte, presque excessive, où j’affichais fièrement mes origines. Avec le temps, les rencontres et l’expérience, j’ai trouvé un juste milieu. Comme chacun, ma vie est un voyage où il faut savoir transformer ses faiblesses en force, avancer avec ce que l’on est, sans chercher à se conformer plus qu’il ne le faut.
Quelles étaient vos craintes ?
Je craignais de ne pas être à la hauteur des attentes de mes parents. Leur nom allait être associé à ce que je faisais, et je ne voulais pas les décevoir. Choisir de devenir acteur n’était pas un choix évident, car ce sont souvent les rôles qui nous choisissent. À ce niveau, j’ai eu de la chance.
Quel élément a façonné l’homme que vous êtes devenu ? Votre imagination a-t-elle contribué ?
Mon imagination a joué un rôle majeur dans ma construction personnelle. Aujourd’hui, je suis plus ancré dans le réel. Je préfère observer ce qui m’entoure, chercher l’inspiration dans le quotidien et les histoires présentes autour de moi.