François Bayrou n’a enfreint aucune loi, cependant ses déclarations ont manqué de clarté et il a mis du temps à exprimer son empathie envers les personnes touchées.
Le jeudi 13 février, François Bayrou a affirmé une nouvelle fois qu’il n’était pas au courant des actes de violence sexuelle qui se seraient produits à l’école catholique Notre-Dame de Bétharram. Ces événements auraient essentiellement eu lieu entre les années 1970 et 1990 dans cet établissement situé dans le Béarn, région où François Bayrou est politiquement actif. Ces allégations ont donné lieu à environ cent plaintes, et le parquet de Pau a ouvert une enquête. Mis en cause par divers articles de presse et interpellé à l’Assemblée nationale, le Premier ministre soutient depuis plusieurs jours qu’il ignorait tout des agressions sexuelles, en expliquant que ses propres enfants fréquentaient cette école et qu’il ne les y aurait pas laissés s’il avait été au courant de tels agissements.
Néanmoins, c’est apparemment par souci pour la sécurité de son fils qu’il aurait rencontré, en 1998, un magistrat enquêtant sur les premières accusations visant un prêtre chargé de l’établissement. À cette époque, les médias locaux avaient relayé ces accusations, ce que François Bayrou ne pouvait vraisemblablement pas ignorer. Cependant, ses premières déclarations sur le sujet ont créé une confusion en suggérant le contraire.
Une stratégie de défense imparfaite
Bien qu’il n’existe pas de dossier juridique nommé « affaire Bayrou », depuis trois jours, des rumeurs et des accusations politiques contribuent à une confusion préjudiciable. On entend par-ci par-là : « Bayrou était au courant »; mais de quoi exactement était-il informé, et à quel moment ? Clarifions cela. François Bayrou n’était déjà plus ministre de l’Éducation lorsque les premières suspicions d’agressions sexuelles ont été révélées. Bien qu’il ait pu avoir vent d’un climat difficile et brutal à Notre-Dame de Bétharram, il n’était selon les victimes, pas informé du niveau de violence ni de l’aspect sexuel des actes. Par la suite, lorsqu’il a progressivement pris conscience des faits, il semble avoir eu mille peines à y croire. Toutefois, il n’a pas cherché à influencer la justice, comme le reconnaît le magistrat qu’il a rencontré en 1998. Certes, François Bayrou ne s’est pas emparé du dossier avec vigueur, mais il n’a pas tenté de faire obstacle à l’enquête. Sa ligne de défense face à la pression s’avère donc malhabile, ses déclarations sont confuses, et il a tardé à exprimer sa compassion pour les victimes. Mais jusqu’à présent, François Bayrou n’a pas commis de faute légale.
Le tumulte actuel s’explique surtout par la prise de conscience tardive de notre société et de nos dirigeants de la gravité des agressions sexuelles sur des mineurs. Lorsqu’on est confronté à des faits vieux de 30 ou 40 ans, certains adoptent une vision anachronique, évaluant les réactions des acteurs de l’époque avec notre niveau de compréhension actuel. Il y a également une dimension opportuniste : quand certains politiques crient au « scandale d’État » et exigent bruyamment la démission de François Bayrou, il est probable qu’ils souhaitent se venger de l’échec de leurs tentatives de censurer le gouvernement. Et dans le même coup, ils espèrent accentuer la pression sur leurs anciens alliés socialistes qui n’ont pas soutenu ces motions de censure.