Pour la première fois ce lundi, le Premier ministre François Bayrou va utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour que le budget soit approuvé. Alors que l’emploi de cet article soulève actuellement un tollé et une indignation parmi de nombreux acteurs politiques, il convient de rappeler que, sous la Ve République, l’usage du 49.3 passait souvent inaperçu et ne provoquait généralement pas de réactions vives.
François Bayrou activera donc l’article 49.3 ce lundi 3 février pour garantir l’adoption du budget. Cette manœuvre, attendue depuis un certain temps, se concrétisera lors de la session de l’après-midi dédiée à l’examen des résolutions proposées par la commission mixte paritaire. Vers la fin de la semaine, le Premier ministre emploiera à nouveau cette disposition, cette fois concernant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. D’un autre côté, les opposants insoumis prévoient de soumettre de nouvelles motions de censure, tandis que le Parti socialiste et le Rassemblement national cultivent une certaine incertitude quant à l’issue de leur vote.
Mais l’article 49.3 est-il véritablement une arme anti-démocratique ? C’est en tout cas ce que soutiennent régulièrement certains adversaires politiques. « Coup de force », « déni de démocratie », telles sont les expressions qu’ils emploient pour condamner une décision qu’ils considèrent comme « illégitime ». Notons que ces critiques sont relativement récentes. Pendant une longue période, l’utilisation du 49.3 ne provoquait pas de réactions particulièrement vives. Entre 1976 et 1981, Raymond Barre l’avait employé à de nombreuses reprises pour contenir la rébellion au sein du RPR dirigé par Chirac. Michel Rocard détient le record d’utilisation avec 28 articles 49.3 en l’espace de trois ans, de 1988 à 1991, en raison du manque d’une majorité absolue à l’Assemblée. Cependant, c’est véritablement en 2016, lorsque Manuel Valls s’en servit pour faire adopter la loi Travail, que le 49.3 est devenu un véritable sujet de discorde auprès d’une certaine partie de l’opinion publique. Lors des manifestations, des slogans anti-49.3 ont même commencé à apparaître sur les pancartes.
Un emploi limité depuis 2008
Le contexte politique, de plus en plus électrisé, a évolué. L’impopularité rencontrée par la réforme des retraites, passée en 2023 grâce à la même procédure sous le gouvernement Borne, y a contribué. Néanmoins, le 49.3 reste un outil profondément démocratique destiné à renforcer la continuité gouvernementale. Il appartient à ce que les spécialistes de constitution appellent le « parlementarisme rationalisé ». Cependant, l’effervescence qui s’est emparée de l’Assemblée National attise un débat public qui devient progressivement moins rationnel. Cela est d’autant plus ironique que depuis la révision constitutionnelle de 2008, l’emploi du 49.3 a été limité.
Le Premier ministre est désormais limité à l’utiliser sur un seul projet de loi par session, en plus des deux textes relatifs au budget. Cela reste encore excessif pour ceux qui n’aspirent pas tant à démocratiser nos institutions qu’à en perturber le fonctionnement. Durant le week-end, Lionel Jospin a mis en garde la gauche contre cette envie de blocage total, l’exhortant à éviter de censurer François Bayrou. Un appel à la responsabilité démocratique émanant d’un ancien Premier ministre qui, au cours de ses cinq années à la tête d’un gouvernement de gauche plurielle, n’a jamais eu recours à l’article 49.3.