Avant l’examen de cette proposition de loi au Sénat, pas moins de 3 500 amendements ont été présentés, ce qui risque de bloquer le déroulement du vote sur le texte. Face à cette situation, le sénateur à l’origine de cette proposition privilégie désormais l’idée de soumettre le dossier à une commission mixte paritaire.
Laurent Duplomb, sénateur représentant la Haute-Loire et également agriculteur, à l’origine de la loi agricole surnommée loi Duplomb, qui vise à réintroduire certains pesticides néonicotinoïdes, notamment l’acétamipride, a critiqué ce lundi 26 mai sur 42mag.fr ce qu’il qualifie de « naïveté coupable » de l’opposition face à la concurrence exercée par l’Europe. Ce projet de loi, qui suscite des divisions parmi les députés, est en cours de discussion à l’Assemblée nationale, alors que des agriculteurs manifestent devant le Palais Bourbon pour influencer les décisions des parlementaires. Par ailleurs, des blocages filtrants ainsi que des ralentissements volontaires de la circulation (opérations escargot) sont recensés en Île-de-France. Selon le sénateur, la prohibition de l’acétamipride en France « résulte d’une décision politique », alors que « 26 autres pays européens en autorisent l’usage ».
En 2024, l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) rappelait que des « incertitudes majeures » subsistaient quant aux effets neurodéveloppementaux potentiels de l’acétamipride. L’agence soulignait qu’il était nécessaire de disposer de « données nouvelles » pour évaluer « de manière adéquate les risques et dangers associés » à ce produit, et recommandait en attendant de réduire considérablement les seuils de risques jugés acceptables pour ce pesticide. Pourtant, face aux partisans du principe de précaution opposés à ce rétablissement, Laurent Duplomb défend son texte en insistant : « À l’heure actuelle, l’Efsa autorise la molécule acétamipride ».
Interrogé sur la question de la sécurité absolue que représenterait cette substance, le sénateur de Haute-Loire ne se hasarde pas à donner une réponse catégorique. Il préfère insister sur la problématique de la concurrence déséquilibrée à laquelle sont confrontés les agriculteurs français, opposés à leurs homologues européens qui, eux, utilisent l’acétamipride. « Ce que j’observe, c’est que la France importe 70 % de ses fruits et 60 % de ses légumes, notamment d’Espagne, d’Italie et d’Allemagne », précise-t-il. « C’est précisément parce que les producteurs italiens de noisettes disposent de l’acétamipride et protègent mieux leurs cultures que nos producteurs français, qui risquent de perdre 60 à 70 % de leur récolte, réclament ce produit. Ils ne peuvent concurrencer ceux qui cultivent et approvisionnent ce que nous ne parvenons plus à produire », explique Laurent Duplomb.
En route vers une commission mixte paritaire
Le projet de loi fait face à une avalanche d’amendements : près de 3 500 propositions de modifications, dont 1 500 sont portées par les écologistes et 800 par les insoumis, qui s’opposent fermement au texte. Le temps nécessaire pour débattre de toutes ces propositions serait estimé entre 100 et 150 heures, une durée manifestement impossible à tenir avant la fin de la semaine. Cela fait courir le risque que la proposition de loi ne soit pas examinée au sein de l’Assemblée nationale, où une motion de rejet préalable pourrait être adoptée. Dans ce scénario, les discussions se dérouleraient alors dans une commission mixte paritaire (CMP), composée de sept députés et sept sénateurs, une instance où la droite et le centre détiennent la majorité.
Laurent Duplomb dénonce ce qu’il qualifie de « véritable obstruction » orchestrée par les écologistes et les insoumis, mais affiche un optimisme mesuré quant au succès de la proposition dans le cadre de la CMP. « Ce travail, nous allons le poursuivre en commission mixte paritaire », assure-t-il. « Nous prendrons tout le temps nécessaire, car là, nous ne serons pas limités par les délais. La CMP pourra durer une semaine, quinze jours, voire trois semaines… Nous examinerons chaque article minutieusement, entre sept sénateurs et sept députés, dans le but de rédiger un texte de compromis qui ait les meilleures chances d’être adopté par l’Assemblée nationale à l’issue des conclusions de la CMP. »