La campagne de communication menée par le poids lourd chinois de la mode rapide sur les plateformes sociales a attiré beaucoup d’attention. Portée par Magali Berdah, surnommée la « papesse de l’influence », une série de vidéos a servi à SHEIN pour présenter ses raisons en faveur de la loi destinée à limiter les effets néfastes de l’industrie textile sur l’environnement, sans laisser place à un débat contradictoire. Cependant, L’Oeil du 20h a mis au jour une autre action, plus discrète, qui se déroule en coulisses, loin des projecteurs.
Sur les réseaux sociaux, Céline est connue sous le pseudonyme « Iznowgood ». Elle s’est fait une place grâce à ses analyses critiques des marques de fast fashion, et compte désormais une communauté de 100 000 abonnés. Naturellement, elle affirme avec humour, quand elle nous reçoit chez elle : « on ne verra jamais du SHEIN dans mes contenus, ça c’est clair ». Elle illustre ce propos avec une vidéo dans laquelle elle examine un tee-shirt de la marque chinoise, vendu à peine 6 euros, qui s’est soldée par une surprise peu agréable.
« En parcourant les commentaires sous la vidéo, j’ai vu cinq messages postés en à peine une minute, défendant farouchement les droits de SHEIN. »
Céline Séris@Iznowgood sur Instagram
Parmi ces réactions, l’une explique notamment : “La plupart des vêtements que j’ai dans ma garde-robe viennent de SHEIN et je les porte depuis longtemps. Je les trouve de bonne qualité”. Cependant, en inspectant le profil de cette personne, Céline découvre un compte atypique, composé essentiellement d’images créées par intelligence artificielle.
Une flotte de bots pro-SHEIN très présents en ligne
Ces comptes douteux, prenant la défense de SHEIN, se montrent particulièrement actifs lors d’une vaste campagne promotionnelle orchestrée par la marque. En mai, plusieurs influenceurs bien réels ont relayé un slogan à leurs 15 millions d’abonnés affirmant que “la mode doit être un droit, pas un privilège”.
Dans les commentaires, des dizaines de profils reprennent inlassablement l’argument principal de l’entreprise : l’accessibilité financière.
“Oui, ce serait vraiment dommage d’interdire aux personnes modestes d’acheter des vêtements neufs à bas prix. Je suis moi-même dans cette situation, alors merci de ne pas me retirer mon droit à m’habiller dignement.”
Bots en commentaires
De façon étrange, certains comptes répètent rigoureusement les mêmes messages, copiés-collés à l’identique. Derrière ces interventions, on retrouve des profils anonymes, semblant ordinaires, mais tous créés en juillet 2024, et composés d’images ou photos générées par intelligence artificielle, parfois même identiques entre elles. Tous ces éléments indiquent clairement qu’aucun humain ne se cache derrière ces comptes.
En collaboration avec le cabinet d’analyse de données Bloom, nous avons identifié plus de 2000 comptes agissant en faveur de SHEIN. Cette armée fantôme est à l’origine de 31 000 interactions – commentaires, images ou likes – défendant les positions du géant chinois.
SHEIN se dédouane formellement
Face à ces révélations, la marque est-elle responsable de ces comptes factices ? Interrogé dans le cadre de notre investigation, Quentin Ruffat, porte-parole de SHEIN en France, esquive la réponse quand nous lui montrons captures d’écran de commentaires et profils associés.
“Je n’ai absolument aucune idée de ce que vous avancez. (…) Laissez-moi vérifier, je reviendrai vers vous avec une réponse.”
Quentin RuffatPorte-parole de SHEIN France
Après avoir mené une enquête interne, SHEIN dément toute implication dans la création de ces faux comptes et dénonce une “manœuvre cynique visant à faire taire les voix authentiques”. Depuis notre entretien, de nouveaux commentaires semblables sont apparus sous les publications de Magali Berdah.