L’administration iranienne a réprimandé le cinéaste Saeed Roustaee pour la présentation de son oeuvre « Leïla et ses frères » lors de l’édition 2022 du Festival de Cannes. Pour Thierry Frémaux, délégué général de ce festival, l’autorité iranienne considère comme coupables tous les artistes qui parviennent à rencontrer le succès hors de la frontière nationale.
Le jeudi 17 août, Thierry Frémaux, directeur général du festival de Cannes, s’exclame sur France Culture : « Ils cherchent à étouffer la voix du jeune cinéma iranien », suite à la sentence à six mois de prison prononcée contre le réalisateur iranien Saeed Roustaee et son producteur pour avoir diffusé un de leurs films, Leïla et ses frères, lors du festival de Cannes.
« Notre première réaction, bien sûr, a été de protester contre ce procédé qui a duré plus d’un an. Nous savions que le film nous avait été proposé sans l’approbation du gouvernement iranien. Saeed Roustaee a décidé de nous le soumettre sans son consentement, persuadé qu’il ne l’aurait pas obtenu. Le film a été présenté avec un grand succès, et c’est un beau film », témoigne Thierry Frémaux.
Selon lui, « toute action au niveau mondial pour soutenir les artistes et s’opposer à la posture du gouvernement iranien agit sur l’Iran ». Il souligne que le Festival de Cannes s’est opposé à cette sentence, tout comme des artistes tels que Martin Scorsese et des sociétés d’auteurs comme la SRF. « Il est primordial que les personnes oppressées nous perçoivent comme leurs alliés, et ils savent que nous le sommes », dit-il, en dénonçant « la censure, la répression, l’oppression politique ».
Le cinéma iranien en danger, selon Thierry Frémaux
Le film impliqué « n’est pas une diatribe anti-gouvernementale, il s’agit d’une œuvre d’auteur qui illustre la vie quotidienne d’une famille en Iran », affirme-t-il. Selon Thierry Frémaux, « aux yeux du gouvernement iranien, tous les artistes sont coupables s’ils rencontrent le succès à l’étranger » et « cette sentence est arrivée discrètement », en plein été.
Il avance que c’est le cinéma iranien dans son ensemble qui est menacé : les autorisations de films tournés en Iran ne sont même plus sollicitées car elles sont systématiquement refusées, « preuve d’un durcissement du régime, dont on connaît déjà les répercussions sur les femmes, particulièrement ».
« L’Iran est un pays de cinéma extraordinaire »
Il donne l’exemple du film Critical Zone, du cinéaste Ali Ahmadzadeh, qui a été tourné en cachette dans les rues de Téhéran et a obtenu le Léopard d’or au Festival de Locarno. Ali Ahmadzadeh « n’a pas pu se rendre à Locarno pour présenter son film et recevoir son prix, car on lui a confisqué son passeport », rappelle le directeur général du festival de Cannes. « L’Iran est un pays de cinéma extraordinaire » et Saeed Roustaee « jouit d’une reconnaissance mondiale, il est un artiste en herbe », termine-t-il.