Afin d’encourager la diversité sociale, Elisabeth Borne a annoncé vendredi son intention de ne plus attribuer de logements aux « individus les plus démunis » situés dans les quartiers prioritaires. « C’est un double fardeau : vous êtes mal logé, on admet que vous êtes en difficulté, néanmoins, vous ne pourrez pas bénéficier des logements les plus abordables, » déplore la Fondation Abbé Pierre.
Réaction face à la décision problématique d’Elisabeth Borne concernant l’attribution des logements sociaux
Christophe Robert, responsable général de la Fondation Abbé Pierre, s’est exprimé vendredi 27 octobre sur 42mag.fr, en réponse aux récents développements d’Elisabeth Borne concernant les zones défavorisées. La Première ministre a annoncé une directive surprenante : dans les quartiers prioritaires, les préfets ne devraient plus attribuer des logements sociaux aux familles éligibles au Droit au logement opposable (Dalo).
Mélanges sociaux : Elisabeth Borne ne veut plus accorder de logements aux « personnes les plus vulnérables » dans les zones prioritaires
Les familles « Dalo » ont un droit au logement validé par une commission départementale. Près de 35 000 familles ont obtenu ce droit au logement en 2022. Cependant, plus de 93 000 ménages « Dalo » sont toujours en attente d’un logement, la plupart d’entre eux se trouvent en Ile-de-France.
franceinfo : Comprenez-vous cette proposition ?
Christophe Robert: C’est une idée apparemment séduisante mais qui pourrait avoir des conséquences dommageables. La Première ministre propose de ne plus loger les personnes désignées comme prioritaires en raison de leur situation sociale, dans les zones prioritaires de la ville. C’est une punition double : on reconnaît que vous êtes mal logés et que vous avez des problèmes, mais les logements les moins coûteux disponibles dans ces quartiers, vous n’y aurez pas accès. Cela réduira la capacité de réaliser le droit au logement.
« Pour favoriser la mixité sociale, il faut faire exactement le contraire »
Il ne faut pas empêcher les personnes d’accéder aux logements, mais plutôt augmenter les options disponibles partout sur le territoire. Toutefois, le danger est que nous ralentissions la possibilité de reloger les familles prioritaires Dalo dans certains logements, en particulier dans les quartiers où les loyers sont les plus bas.
Y a-t-il des projets gouvernementaux offrant une alternative à ces familles à faible revenu à qui l’on interdit de s’installer dans les quartiers défavorisés ?
Je ne crois pas. Déjà en 2015, après l’attentat de Charlie Hebdo, le Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, avait voulu interdire le logement des personnes prioritaires Dalo dans les zones prioritaires. Puis il a compris que la stratégie doit être inversée. En conséquence, la loi de 2017 sur l’égalité et la citoyenneté a été adoptée, qui impose des quotas de relogement de familles prioritaires en dehors des zones prioritaires de la politique urbaine. L’objectif actuel est d’attribuer 25 % des logements sociaux aux familles avec les revenus les plus bas. Nous sommes actuellement à 17 %. C’est là qu’il faut accentuer nos efforts ! Sinon, cela signifie que les familles en situation d’urgence absolue, reconnues prioritaire Dalo, n’auront pas accès à environ un tiers du parc HLM en France.
Est-ce déplorable qu’il y ait un effet pervers ?
C’est pourquoi je dis que c’est une fausse bonne idée. La mixité sociale doit fonctionner dans les deux sens. Elle ne peut pas être obtenue en interdisant l’accès à une partie du parc immobilier aux foyers les plus défavorisés. A la Fondation Abbé Pierre, nous savons combien cela peut avoir des effets néfastes pour les plus démunis d’entre nous.
Un nombre sans précédent de demandeurs de logement social en France, selon Emmanuelle Cosse
Est-ce que vous reprochez aux maires qui n’appliquent pas la loi SRU qui demande aux villes de plus de 50 000 habitants de disposer de 20 % de logements sociaux ?
Cela illustre parfaitement ce que j’essaie de dire. On ferme les portes de un tiers des logements sociaux dans les quartiers prioritaires, mais on ne fait pas le nécessaire là où le taux de logement social est inférieur à 3 %, 4 % ou 5 %. La moitié des logements sociaux ont été construits depuis l’adoption de la loi en 2000, dans les communes soumises à la loi SRU, donc c’est un dispositif bénéfique. La plupart des communes respectent la loi. Mais un tiers des communes ne le font pas, et certaines préfèrent même payer des amendes. C’est là que nous avons besoin d’un État fort qui exige la construction des logements sociaux manquants.