« Le Petit Prince », paru pour la première fois en 1943 aux États-Unis, n’a fait son apparition en France qu’en 1946, après la mort de son auteur. Depuis cette date, plus de 200 millions d’exemplaires ont été vendus. Ce livre occupe une place de choix parmi les ouvrages les plus traduits à travers le monde.
Un voyage au cœur de la création du Petit Prince : Une nouvelle perspective sur la vie d’Antoine de Saint-Exupéry est révélée dans un documentaire poignant d’Arte, un mélange captivant d’animation et d’archives, qui dévoile la genèse moins connue de sa célèbre histoire, à découvrir ou à redécouvrir sous un nouvel angle.
Accessible dès mercredi sur arte.tv et diffusé sur la télévision le 20 décembre, Le petit prince, la naissance d’une étoile s’intéresse aux quatre dernières années de la vie de « Saint-Ex », durant le tumulte de la Seconde Guerre mondiale. De 1940, année de la débâcle française, lorsque le pilote s’enfuit à New York après avoir une fois de plus frisé la mort, jusqu’à sa disparition en 1944 lors d’une mission de reconnaissance en Méditerranée.
Un conte universel
C’est au cours de cette période que l’écrivain déprimé donne naissance à son ouvrage ultime, qui célèbre son 80ème anniversaire. « On dirait qu’il s’agit d’un délai accordé par la vie pour nous offrir Le Petit Prince », confie à l’AFP le réalisateur Vincent Nguyen, soulignant l’importance de se focaliser sur « ces quatre années ». Luttant contre son attirance pour ses maîtresses et sa femme Consuelo, frustré de ne pouvoir se battre (jugé trop âgé par l’US Air Force) et mal à sa place parmi les expatriés qui discutent de la guerre en sirotant du champagne, Saint-Ex endure un exil « extrêmement douloureux », souligne l’ancien journaliste de France 2.
Néanmoins, en 1942, « l’humaniste qui commence sérieusement à perdre la foi en l’humanité » se plonge dans la rédaction d’un conte pour enfants, proposée par ses éditeurs américains après l’avoir vu esquisser un petit personnage à la dérobée. Il y versera « toute son essence » pour ce récit universel, cette « remise en question de la société » toujours pertinente, raconte Vincent Nguyen.
Le processus de création du conte, raconté par le chercheur Alain Vircondelet dans une publication intitulée Un été à Long Island en 2021, n’a jamais été projeté à l’écran, souligne le réalisateur, qui a été approché en 2019 par un descendant de Saint-Exupéry pour réaliser un documentaire sur Le Petit Prince.
Cependant, cette fois-ci, le co-créateur d’Un jour, un destin sur France 2 fait le choix de ne pas s’appuyer sur des historiens ou des biographes, mais de « redonner vie » à Saint-Ex lui-même, interprété par François Morel, ainsi qu’à ses proches, tels que son épouse (Marta Domingo), la rose du Petit Prince, ou son ami à qui il a dédié son œuvre majeure, Léon Werth (François Berléand), qui sert de narrateur principal au documentaire.
Il a donc recours à l’animation, en collaboration avec la société de production les Films d’ici, créateurs de Valse avec Bachir et Josep.
Des reconstitutions aux côtés d’images d’archives
« Au gré des circonstances, comme cette période de la vie de Saint-Ex a été très peu documentée visuellement », une multitude de scènes ont été restituées, entrelacées avec des images d’archives et des flash-back pseudo-rêveurs, le tout soutenu par des citations, explique Vincent Nguyen.
« Pour contrebalancer mon approche très journalistique, fascinée par la réalité – au point de recréer l’appartement de Saint-Exupéry à partir de plans d’architecte ou de passer trois mois à chercher le modèle exact du dictaphone qu’il utilisait – j’ai fait appel à un scénariste de fiction, Jean-Louis Milesi (Marius et Jeannette) ».
Étant donné que l’animation a un « coût prohibitif », il « a fallu innover techniquement » pour respecter le budget, ajoute le cinéaste documentaire, qui a mis à profit l’intelligence artificielle.
Un « héros » mais aussi un « goujat »
Le renouveau de la relation entre les héritiers d’Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry, concrétisé en 2021 par la publication de leurs lettres, a facilité le travail du réalisateur, qui a pu révéler des aspects totalement inédits.
Dans sa volonté de ne pas faire une hagiographie de celui qu’il considère comme un « génie » et un « héros absolu », tout en « dédramatisant » le personnage de Consuelo, il s’est efforcé de montrer la complexité de leur relation, ainsi que l’absence de délicatesse de Saint-Exupéry.