La mise en place d’une garantie de retour pour les étudiants internationaux, partie intégrante de la législation sur l’immigration qui a été votée le mardi 19 décembre, demeure l’un des sujets ayant suscité le plus grand nombre de débats. Selon Jean-Philippe Tanguy, député du RN, le coût engendré par les étudiants étrangers en France est trop élevé.
« L’accueil d’étudiants n’est pas une source de revenu. » . Ces paroles émanent de Jean-Philippe Tanguy, élu du Rassemblement national représentant la quatrième circonscription de la Somme. Ces propos ont été enfourchés, le jeudi 21 décembre, pendant qu’il était interrogé sur l’émission 8h30 42mag.fr. Il était amené à commenter la mise en place, dans le cadre de la loi immigration, d’un cautionnement pour le retour des étudiants étrangers venant étudier en France. Cette mesure a suscité une vive controverse parmi le gouvernement jusqu’à pousser Sylvie Retailleau, la ministre de l’Enseignement supérieur, à présenter sa démission – démission qui lui a été refusée. Par ailleurs, le chef de l’État ne semble pas convaincu que cette mesure soit salutaire, comme il l’a fait l’entendre à travers l’émission C à vous diffusée sur France 5, le mercredi 20 décembre.
« L’accueil d’étudiants est un charge », a argumenté Jean-Philippe Tanguy, ajoutant que « L’accueil d’étudiants n’est pas rentable. C’est un investissement à long terme, ou l’on peut dire un investissement pour la France, mais ce n’est pas rentable ». Il poursuit en stipulant que le versement d’allocations publiques à ces étudiants leur permet de consommer et donc d’injecter de l’argent dans l’économie tricolore. Cependant, aucune spécification chiffrée ni référence n’a été avancée pour étayer ses affirmations, qui sont inexactes.
Les étudiants étrangers injectent 1,3 milliard d’euros chaque année
En réalité, une recherche publiée par Campus France en 2022, révèle que les étudiants étrangers injectent 1,3 milliard d’euros chaque année à l’économie française. Cette étude n’a pas été consultée par Jean-Philippe Tanguy lors de sa prise de parole. Campus France est une institution publique rattachée au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l’Enseignement supérieur. Entre février et avril 2022, Campus France a mené une enquête avec le concours de l’institut Kantar Public, en interrogeant près de 10 000 étudiants étrangers ayant séjourné et étudié en France au cours des trois dernières années. Cette enquête a veillé à ce que les sondés soient représentatifs de plus de 300 000 étudiants internationaux venus précisément en France pour leurs études cette année, en tenant compte de leur âge, nationalité, durée des études, conditions de vie, dépenses effectuées et pouvoir d’achat.
L’étude ne prend en considération que les étudiants étrangers qualifiés « d’étudiants en mobilité » et ne tiennent pas compte des ressortissants étrangers vivant de manière régulière en France et qui poursuivent des études. En comptabilisant également ces derniers, on atteint un total d’environ 400 000 étudiants étrangers en France.
L’enquête s’est déroulée en trois étapes. La première étape consistait à évaluer les dépenses desdits étudiants en mobilité en France et à estimer leur apport économique direct total. Il faut entendre par apport direct, les dépenses qu’ils ont concrètement engagées et non un investissement à long terme pour l’avenir ou pour la France, comme Jean-Philippe Tanguy l’a souligné.
5 milliards d’euros d’apport contre 3,7 milliards de dépenses publiques
Les dépenses mensuelles moyennes de ces étudiants étrangers, comprenant leurs frais de location, d’alimentation, d’achats courants, ont été cumulées et ont permis d’estimer qu’ils déboursent 867 euros par mois chacun, soit un total de 2,8 milliards d’euros par an pour tous les étudiants étrangers, proportionnellement aux mois passés en France. En outre, s’ajoutent plus de 870 millions d’euros de frais d’inscription à l’université ou dans des écoles, plus de 460 millions d’euros de dépenses de transport, plus de 390 millions d’euros de dépenses touristiques pour leurs familles en visite, plus de 370 millions d’euros de cotisations sociales payées par ceux qui exercent un emploi en parallèle à leurs études, ainsi que des frais des cours de français et des frais administratifs. Au total, les étudiants étrangers participent à hauteur de cinq milliards d’euros à l’économie française par an.
L’étude a également évalué les dépenses publiques dédiées à ces étudiants étrangers, en s’appuyant sur des statistiques officielles provenant notamment du Drees, le service d’étude du ministère de la Santé, et des points de références statistiques de ministère de l’Éducation. La principale dépense publique dédiée à ces étudiants s’élève à 3,1 milliards d’euros et est liée au fonctionnement de l’enseignement supérieur. L’étude ajoute presque 250 millions d’euros de dépenses de sécurité sociale, plus de 200 millions d’euros d’aides pour le logement, les frais de fonctionnement des services administratifs en charge de ces étudiants et les bourses versées par le gouvernement français. Au total, ces étudiants génèrent une dépense de 3,7 milliards d’euros par an pour la France.
L’étude aboutit à une soustraction. Cinq milliards d’euros d’apport économique direct moins 3,7 milliards d’euros de dépenses de l’État : les étudiants étrangers venus étudier en France génèrent un apport net de 1,3 milliards d’euros à l’économie française chaque année.
Principalement financés par leur entourage
Pour mieux comprendre le profil des étudiants étrangers, notamment leurs ressources financières, l’étude s’est penchée sur ce sujet. Elle a révélé que plus de la moitié de l’argent dépensé en France par les étudiants étrangers provenait de leurs parents ou de leurs proches (53 %), 22 % provient de différentes sources de revenus sur le territoire français, 15 % de bourses allouées soit par la France, soit par l’Union européenne, leur pays d’origine ou une organisation privée et 10 % de leurs économies personnelles.
Quant à la répartition géographique de ces étudiants étrangers, un tiers proviennent du Moyen-Orient et du Maghreb, un quart de l’Afrique subsaharienne, 20 % de l’Europe, 16 % de l’Asie et d’Océanie et finalement 8 % des terres Nord et Sud américaines. Près des trois quarts d’entre eux sont inscrits à l’université en master, licence ou doctorat, les autres sont en écoles de commerce ou d’ingénieurs, en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) ou en BTS. Les sciences, y compris les Staps, figurent en tête des sujets d’études, suivis du commerce, des sciences humaines, des lettres, du droit, de la science politique et de la médecine.
Même si la France est le sixième pays à accueillir le plus grand nombre d’étudiants étrangers selon une autre étude de Campus France sur la mobilité étudiante, il faut rappeler que la France est également le sixième pays le plus exportateur en matière d’étudiants internationaux. Ainsi, en 2020, environ 100 000 students français sont partis étudier à l’étranger.