Jacques Delors, qui fut autrefois à la tête de la Commission européenne, s’est éteint mercredi à l’âge de 98 ans. On le considère comme une figure clé qui a su définir les lignes directrices de l’Europe telle qu’on la connaît aujourd’hui.
« Jacques Delors a été un éminent artisan de tout ce qui est aujourd’hui tangible pour les Européens », a déclaré mercredi 27 Guillaume Klossa, fondateur du think tank EuropaNova, sur 42mag.fr, suite au décès à 98 ans de l’ancien président de la Commission européenne de 1985 à 1995. « Pour Delors, l’Europe devait être une alliance d’États et de citoyens, avançant à deux jambes » et « Jacques Delors accordait plus de crédit à la société qu’à la politique », ajoute Guillaume Klossa, qui a collaboré avec lui.
Franceinfo : Jacques Delors est reconnu comme le premier président français de la Commission européenne. Il a pris ses fonctions en 1985 pour une durée de dix ans. Est-il vrai que ce que nous retenons de lui, c’est son dévouement pour l’Europe ?
Guillaume Klossa : Outre son dévouement sans faille pour l’Europe, on retient de lui ce qu’on appelle la méthode Delors, associant l’intérêt commun européen, la société civile et l’anticipation. Cette méthode a connu un grand succès. Il se préoccupait de ce qui pourrait être bénéfique pour l’Europe, et de la façon de rassembler la société et les acteurs politiques afin de concrétiser ces bénéfices. C’est ce qui lui a permis d’introduire l’euro. En réalité, tout ce qui est palpable aujourd’hui pour nous, Européens, a été édifié par Jacques Delors.
Avez-vous eu l’opportunité de le rencontrer et de travailler avec lui ?
Oui, j’ai eu le privilège de le rencontrer en 2005, suivant le référendum et nous avons longuement discuté de la manière de repositionner l’Europe après le rejet français [du référendum sur un Traité constitutionnel européen]. L’Europe était alors en totale stagnation. Suite au rejet français [au référendum de 2005], cela a duré deux ans pendant lesquels la France et l’Europe étaient dans une impasse. Sa première réaction a été de dire qu’il était nécessaire de mobiliser la société et ensemble, nous avons initié les états généraux de l’Europe en 2007, qui a représenté la plus grande mobilisation des Européens depuis l’après-guerre. Selon lui, il fallait savoir déterminer un intérêt général européen, qui ne serait pas fédéral, mais qui concilierait les intérêts, tant nationaux que citoyens.
« Selon lui, l’Europe aurait dû être une coalition d’États et de citoyens, qui avancerait ensemble. En fin de compte, l’Europe d’aujourd’hui est ce projet que Delors avait initié et qui manque encore d’un soutien suffisant de la part de son pilier citoyen. »
Guillaume Klossa, fondateur du think tank EuropaNovas’exprimant sur 42mag.fr
Quel était le leitmotiv de Jacques Delors pour la construction européenne ?
Jacques Delors attachait beaucoup plus d’importance à la société qu’à la politique. Les réalisations de ces cinq dernières années prouvent que l’Europe répond aux préoccupations des citoyens : le Covid-19 avec près d’un demi-milliard d’Européens qui ont été vaccinés, le plan de relance, sont des initiatives que Delors aurait voulu lancer. Là où l’Europe laisse à désirer pour les Français, c’est qu’ils ont du mal à s’approprier le projet européen. Il y a donc un enjeu majeur dans la construction d’une véritable démocratie transnationale européenne. Il croyait que cette réalisation devait inclure non seulement les leaders politiques, mais aussi les syndicats auxquels il accordait beaucoup d’importance. C’était un chrétien social-démocrate.