Chaque jour, une célébrité se joint à l’univers d’Élodie Suigo. Le mercredi 15 mai 2024, c’est l’actrice et interprète franco-iranienne, Golshifteh Farahani qui est mise à l’honneur. Elle campe le rôle principal dans le long-métrage « Roqya » réalisé par Saïd Belktibia.
La franco-iranienne Golshifteh Farahani, connue pour sa carrière remarquable d’actrice et de chanteuse, s’est fait une place bien méritée et respectée dans l’univers du cinéma. Elle est cette lueur d’espoir, ce symbole de bravoure, ce maillon artistique polyglotte qui fascine et influence grâce à ses 17 millions de followers sur Instagram. Elle a vu le jour en 1983 à Téhéran, sous la gouvernance islamique, et a grandi en observant ses parents artistes qui n’ont pas été valorisés à leur juste valeur en raison de leur profession. Le 15 mai dernier, elle a brillé sur grand écran dans le film « Roqya » de Saïd Belktibia, y interprétant le rôle de Nour, une mère célibataire qui survit en contrebande d’animaux exotiques jusqu’à ce qu’une consultation tourne mal. Elle est ensuite accusée de sorcellerie et prend la fuite.
Franceinfo : Le film « Roqya » est palpitant et évoque essentiellement la liberté. Est-ce ce qui a motivé votre participation ?
Golshifteh Farahani : Ce qui m’a surtout motivée, c’était Saïd Belktibia, le réalisateur du film. Je l’ai rencontré pour me communiquer le scénario, mais je ne l’ai même pas lu, car j’étais convaincue que je voulais travailler avec lui. Nour n’est pas une sorcière, mais plutôt une femme d’affaires. Elle ne se préoccupe que de son commerce. Elle se trouve dans une zone assez grise, ni franchement bonne ni clairement mauvaise, un peu pirate. Elle a un caractère limite, qui peut sembler négatif, mais on l’aime quand même.
« Mon personnage, Nour, habite une cité à Paris et provoque beaucoup de remous simplement par son existence, car elle réussit. »
Golshifteh Farahanià 42mag.fr
Vous avez été confrontée à l’art dès votre jeune âge grâce à vos parents, alors qu’en Iran, les adeptes de l’art sont minimisés voire ignorés. Quand avez-vous décidé de prendre un chemin différent ?
J’ai tourné mon premier film à 14 ans. Ils ont du convaincre ma sœur car mes parents étaient fermement contre le fait que je devienne actrice. Et moi non plus, je n’étais pas intéressée. J’étais destinée à être pianiste et au moment où je devais aller au Conservatoire de Vienne, à 17 ans, je me suis rendu compte que j’écoutais essentiellement du rock et du métal. J’ai pu transformer cette situation en convainquant mon père que je devais travailler pour les masses, pour le peuple, pour la base de la société, et que la musique classique ne me permettait pas de le faire. C’est comme cela que j’ai réussi à le convaincre que ce n’était pas mon chemin.
À 16 ans, vous avez été victime d’une attaque à l’acide. Malgré cela, vous n’avez pas abandonné. Vous vous êtes même rasé la tête pour vous faire passer pour un homme et continuer à vivre. A cette époque, avez-vous compris que rester dans votre pays pour y vivre votre passion serait difficile ?
En fait, pas du tout. J’ai réalisé l’importance de cette attaque à l’acide une fois que j’ai quitté l’Iran et que j’en ai parlé à Nahal Tajadod, l’épouse de Jean-Claude Carrière, en écrivant un livre. J’ai vécu une série d’agressions diverses depuis mon plus jeune âge. Rien ne m’a arrêtée. J’ai continué à me préserver, à esquiver, et à vivre. Alors, cette histoire d’acide, c’était juste un incident parmi tant d’autres dans ma vie.
« Je sais que depuis que je suis née, je vais à contre-courant et je dois juste survivre car ni la loi, ni la société ne sont là pour me protéger. »
Golshifteh Farahanià 42mag.fr
Mais, dix ans plus tard, en 2008, vous jouez avec Leonardo DiCaprio dans le film américain « Mensonges d’État » de Ridley Scott. Ce film a marqué le début de votre exil car vous avez joué sans voile, ce qui vous a coûté des mois d’interrogatoire à Téhéran. Comment vit-on avec ça ?
Les sept mois d’interrogatoires étaient une période d’accusations me dépeignant comme un agent de la CIA détruisant l’image de l’Iran et de l’islam. Quand j’ai quitté l’Iran, je savais que je ne pourrais plus y retourner. Quand j’ai décidé de ne pas porter mon voile sur le tapis rouge, j’ai subi une véritable offensive. Alors, j’ai décidé de prendre les devants et de braver les conséquences. C’est eux ou moi, et j’ai décidé que ce serait moi.
« On se met en feu pour se libérer car c’est la seule façon de dire : ‘Allez-vous-en, tuez-moi, je suis en feu. Vous n’aurez plus rien à brûler. Je me consume moi-même ainsi, c’est fait !’ »
Golshifteh Farahanià 42mag.fr
Vous représentez un espoir pour beaucoup de jeunes filles qui rêvent de devenir Golshifteh Farahani. Cela vous touche-t-il ?
J’espère qu’elles parviendront à réaliser leur propre potentiel, en mieux que moi. Je suis en première ligne et c’est moi qui suis visée par les critiques et les attaques. Je les supporte afin que les générations futures puissent vivre mieux, se diriger vers la lumière. Et si je dois me consumer pour cela, alors pourquoi pas. Si la lumière que je crée en me consumant peut éclairer le chemin des filles derrière moi, alors pourquoi pas.