L’inspection du travail, après avoir reçu des témoignages de la part de plusieurs employés, a effectué un signalement auprès de la justice, rapporte France Inter.
L’Inspection du travail a choisi de transmettre un rapport à la justice concernant la situation au sein de l’Agence France Presse (AFP), l’un des médias les plus renommés à l’échelle mondiale. Cette démarche, rendue possible par l’article 40 du code de procédure pénale, a été révélée par France Inter le vendredi 14 février, s’appuyant sur une source bien informée.
Un nombre important de signalements
Ce rapport fait suite à une visite des inspecteurs du travail dans les bureaux de l’AFP en septembre 2024. Après cette visite, plusieurs employés se sont rapprochés des inspecteurs pour rapporter des situations de souffrance psychologique et de mal-être au travail attribuées à certains responsables hiérarchiques ou au département des ressources humaines. Selon France Inter, au moins vingt signalements ont été envoyés par courrier électronique ou téléphone. À titre de rappel, l’article 40 stipule que “toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, prend connaissance d’un crime ou d’un délit doit en informer sans délai le procureur de la République et lui transmettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes relatifs”.
La venue de l’inspection avait pour origine un cas impliquant une salariée de l’AFP, qui aujourd’hui est couvert par une plainte pour “harcèlement moral” déposée récemment devant le pôle Social, consommation et environnement du tribunal judiciaire de Paris. Selon un document consulté par France Inter, la journaliste en question se déclare “surchargée de travail, mise à l’écart, rabaissée et manipulée”. Elle dénonce des vexations subies lors d’un changement de poste et des obstacles posés à l’exercice de ses fonctions. La situation de cette employée avait d’abord été signalée comme un danger grave et imminent par le Comité social et économique (CSE) fin septembre.
La plainte mentionne aussi un “harcèlement institutionnel”, décrivant une “crise psychosociale collective provoquée par une vaste réorganisation débutée en 2020”. Elle met en lumière des réformes fréquentes et des redéploiements de personnel, exacerbés par une situation financière délicate et une crise persistante dans le secteur de la presse. Lors d’une réunion du CSE en juillet, une représentante du personnel révélait que “certains travailleurs ont été brisés” ; une autre s’inquiétait en octobre en disant que “des suicides pourraient survenir”.
Investigations en interne à l’AFP
En parallèle, deux investigations sont menées au sein de l’organisation. Une première, conduite par un cabinet indépendant, se penche sur la situation de l’employée plaignante, avec des conclusions attendues à la mi-mars. La seconde, dont les détails restent confidentiels, est menée en interne par l’institution elle-même. “Nous ne pouvons évidemment pas commenter ces situations”, déclare la direction de l’AFP, qui souligne que “le dispositif mis en œuvre par l’AFP pour traiter le sujet du harcèlement est très complet. Nous avons par exemple deux référents harcèlement, contrairement à l’exigence légale d’un seul, et leur champ d’action inclut le harcèlement moral, au-delà du harcèlement sexuel”.
La direction met en avant l’ancienneté moyenne des journalistes qui est de 18 ans et 7 mois, témoignant de leur attachement à l’AFP. Elle précise également que chaque manager reçoit une formation obligatoire incluant des modules sur la prévention du harcèlement, les risques psychosociaux et les bonnes pratiques selon le Code du travail.