La parlementaire du Rassemblement national, Gisèle Lelouis, affirme que l’immigration représente un coût annuel de près de 54 milliards d’euros pour la France. Toutefois, ce montant semble exagéré car il est sans doute gonflé de manière conséquente.
« La facture de l’immigration s’élève à 53,9 milliards d’euros chaque année ! Avez-vous idée de ce que nous pourrions faire pour les citoyens français avec une somme pareille ? » C’est ce que proclame Gisèle Lelouis, députée du Rassemblement national des Bouches-du-Rhône, sur le réseau social X (connu autrefois sous le nom de Twitter). Ce montant est-il réellement correct ?
53,9 milliards d’euros en 2023, un chiffre surestimé
Le montant présenté par l’élue semble très exagéré et provient d’une étude qui requiert une certaine prudence. Gisèle Lelouis cite un article du journal Le Figaro titré « L’immigration coûte plus qu’elle ne rapporte ». Cette publication s’appuie sur une étude menée par Jean-Paul Gourévitch pour l’association Contribuables Associés, qui cherche à dénoncer ce qu’elle estime être un abus de dépenses publiques. L’auteur de l’étude affirme avoir comparé les dépenses publiques dédiées à l’immigration et les gains économiques qu’elle génère en termes de productivité, cotisations sociales et impôts. Selon lui, le résultat est sans appel : le gain est négatif, 53,9 milliards d’euros en 2023.
Cependant, contrairement à ce que Gisèle Lelouis laisse entendre, cette somme ne concerne pas chaque année mais uniquement l’année 2023. L’auteur a réalisé d’autres analyses pour les années précédentes qui aboutissent aussi à des soldes négatifs mais moins élevés.
Cette étude présente des lacunes. Dans un entretien avec le Figaro, l’auteur admet n’avoir pas pu consulter tous les chiffres officiels de dépenses. Ces derniers ont parfois été remplacés par des estimations. De plus, il reconnaît ne pas avoir réussi à quantifier les bénéfices réels de l’éducation des immigrants et de leurs descendants. Et par ailleurs, certaines dépenses prises en compte n’ont rien à voir avec les immigrants, comme les dépenses en sécurité ou celles liées à la lutte contre l’immigration clandestine.
Les travaux de l’auteur de l’étude pointés du doigt
Il faut également nuancer ces résultats en considérant l’auteur de cette étude. Jean-Paul Gourévitch n’est ni économiste ni statisticien. Ancien consultant international sur l’Afrique, il se considère apolitique mais adhère à la théorie du grand remplacement. Il est l’auteur de plusieurs études sur le coût de l’immigration mais ses méthodes ont été critiquées pour leur manque de rigueur scientifique.
En 2014, Les éditions First avaient commissionné un livre intitulé « Les Migrations pour les nuls » à Jean-Paul Gourévitch. En réaction, Virginie Guiraudon, directrice de recherche au Centre d’études européennes de Sciences Po, a pointé du doigt une manipulation des chiffres. Selon elle, ils sont utilisés de manière arbitraire, presque sans références, et contribuent à alimenter un discours anti-immigrés.
Est-il vraiment possible de calculer le coût de l’immigration ?
La question fondamentale demeure : est-il possible de chiffrer réellement le coût ou les bénéfices de l’immigration ? « C’est un calcul impossible », affirmait l’historien Benjamin Stora. Selon lui, « l’immigration contribue également à l’influence internationale de la France, que ce soit à travers la culture, les affaires ou la diplomatie ».
Il est en effet très difficile d’évaluer précisément les bénéfices de l’immigration. Néanmoins, d’autres études sérieuses ont été réalisées, avec des conclusions différentes. Par exemple, en 2021, des chercheurs universitaires de Lille ont publié une étude couvrant la période de 1979 à 2011. Celle-ci conclut également à un solde négatif, mais d’un maximum de 10 milliards d’euros, loin des 54 milliards d’euros avancés par Jean-Paul Gourévitch.