Lors de sa présence à l’Assemblée de Corse à Ajaccio, le Chef de l’Etat a suggéré, jeudi, d’accorder « une autonomie à la Corse ». Il a tenu à préciser que celle-ci ne devrait être « ni en opposition à l’Etat, ni en l’absence de l’Etat », et qu’elle serait soumise à certaines conditions.
Durant sa visite en Corse qui s’étend jusqu’au vendredi 29 septembre, Emmanuel Macron a suggéré la mise en place d’une »nouvelle phase » comprenant « une autonomie pour la Corse », qui ne serait « ni en opposition avec l’Etat ni en dehors de l’Etat ». « Cette autonomie devrait être le moyen de façonner ensemble le futur », a précisé le président de la République, jeudi 28 septembre, lors de son discours à l’Assemblée de Corse à Ajaccio.
Emmanuel Macron a accordé six mois aux partis politiques et à l’Assemblée territoriale corse pour chercher à obtenir un accord avec l’exécutif concernant un « texte à caractère constitutionnel et organique », visant à modifier le statut de la Corse.
Autonomie : des prérogatives sans indépendance
Le rang d’autonomie, étant une variante sophistiquée de décentralisation, permettrait à la Corse d’acquérir davantage de prérogatives et de compétences, tout en demeurant dans le cadre républicain. L’Etat conserverait néanmoins ses prérogatives régaliennes, tels que la justice, les forces armées, la devise et le maintien de l’ordre. Cependant, les stratégies économiques aussi bien que celles relatives à la santé pourraient être gérées directement par l’Assemblée de Corse.
L’actuel ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait déjà évoqué la question de l’autonomie corse, en mars 2022, pendant la dernière campagne présidentielle, au moment où la Corse avait été enflammée suite à l’assassinat en prison d’Yvan Colonna. Dès 1991, Pierre Joxe, alors ministre de l’Intérieur, avait fait adopter un nouveau statut pour la Corse en tant que collectivité territoriale, comprenant des compétences notamment en matière d’éducation, de transport, de culture et d’écologie.
Le statut d’autonomie est déjà mis en œuvre en France, notamment dans certains territoires d’outre-mer, mentionnés dans l’article 74 de la Constitution : la Polynésie française, Saint-Barthélémy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.
En mars 2022, Gérald Darmanin avait envisagé un « statut à la polynésienne » pour la Corse. La Polynésie française a totalement le contrôle dans les domaines économiques et sociaux, de l’éducation, de la santé, des infrastructures et de l’environnement.
Indépendance : un pays à part
En cas d’indépendance, la Corse ne ferait plus partie de la République et constituerait un pays autonome. Si davantage d’autonomie pour la Corse pourrait être accordée par un texte de loi simple, par contre, l’indépendance nécessite une modification de la Constitution.
L’île aurait alors à se passer de l’aide financière de l’administration et du système de solidarité nationale, comme la Sécurité sociale. L’économie serait affaiblie dans les secteurs moins développés, comme l’industrie manufacturière ou les technologies modernes.
D’après l’Insee, de 2000 à 2018, le PIB régional de la Corse a progressé de 2,5 % en moyenne chaque année, ce qui fait de la région la plus dynamique de France. Cependant, en 2018, le PIB par habitant était de 27 660 euros, « soit 8 % de moins que la province ». Le PIB par habitant est l’un des deux plus bas de toutes les régions, presque au même niveau que les Hauts-de-France (27 700 euros).
Si une partie d’un pays membre de l’Union européenne, comme c’est le cas de la Corse, obtient l’indépendance, elle se retrouve automatiquement hors de l’UE et de la zone euro. Des régions comme la Catalogne pourraient alors assurer leur futur économique, mais la situation serait plus complexe en Corse, privée des subventions européennes. L’île devrait également adopter une nouvelle monnaie.
Emmanuel Macron propose une autonomie… en imposant des conditions
L’autonomie envisagée par Emmanuel Macron n’inclut pas la mise en place d’un statut de résident, qui permettrait notamment de réserver exclusivement aux résidents l’achat ou la location d’un bien immobilier, ou encore le transfert de compétences aux élus. Toutefois, une réflexion est entamée en vue d’adapter les normes nationales à la Corse. La langue corse serait davantage enseignée à l’école, mais sans pour autant devenir co-officielle avec le français, ce qui est l’une des demandes des nationalistes.
Le processus vers l’autonomie sera long car il nécessite de rassembler les trois cinquièmes des parlementaires autour d’un même texte afin d’adopter une révision constitutionnelle, et de passer par l’étape du Sénat, où la droite est majoritaire, et qui possède un droit de véto. Bruno Retailleau, chef du groupe parlementaire LR au Sénat, est peu enthousiaste à l’idée d’accorder un pouvoir législatif étendu à la Corse.