Le Festival de Venise a honoré une version féminine de Frankenstein, incarnée par Emma Stone, à la fin de l’évènement qui a été marqué par une grève à Hollywood et la convocation de réalisateurs touchés par la campagne #MeToo.
Dans Les pauvres Créatures, le réalisateur Grec Yorgos Lanthimos (The Lobster,L’Incroyable), familiers des festivals de cinéma, s’est enfin frayé un chemin à la Mostra de Venise. Le film a décroché le prix de Lion d’or le samedi 9 septembre à Venise. C’est essentiellement un genre de Frankestein féminin, à la fois fantastique et baroque, en grande majorité en noir et blanc. Parfois piquant, Les Pauvres Créatures est à la fois un divertissement et un message sur l’impact normé que subissent les femmes.
L’actrice hollywoodienne Emma Stone, qui est à la fois l’actrice et productrice du film, joue le rôle d’une être naïve découvrant ses sentiments et sexualité. Elle n’a pas pu se déplacer à cause de la grève qui secoue Hollywood. Le film lui doit son succès grâce à son personnage principal, Bella Baxter, « Une créature incroyable, sans Emma Stone, une autre créature incroyable, elle n’existerait pas » a déclaré Yorgos Lanthimos lors de l’acceptation de son prix.
Crise des migrants
En Italie, sous le régime d’extrême droite, le jury présidé par Damien Chazelle (La La Land, Premier Homme), a également fait passer un message politique attribuant plusieurs récompenses aux films qui dénoncent le sort tragique imposé aux migrants par l’Europe.
Le cinéma polonais est très bien représenté par Agnieszka Holland qui a obtenu le prix spécial du jury pour Green Border, film qui dépeint les conditions tragiques des migrants venus de Syrie, d’Afghanistan et d’Afrique, pris entre la Pologne et le Bélarus en 2021, victimes d’un enchevêtrement diplomatique qui les écrase. Lors de l’acceptation de son prix, la réalisatrice âgée de 74 ans a déclaré : « Nous dédions ce prix aux activistes » qui aident les migrants « de la Pologne à Lampedusa », petite île italienne où de nombreux migrants d’Afrique débarquent au risque de perdre la vie.
Dans son film, elle dépeint des garde-frontières, des humanitaires et des migrants coincées dans un dilemme diplomatique qui les dépasse entre le Bélarus et l’Union européenne. Le cinéaste qui a été nommé plusieurs fois aux Oscars déplore le fait que « Depuis 2014, environ 66 000 migrants sont morts en essayant de venir en Europe. »
Un jeune acteur sénégalais, Seydou Sarr, a remporté le prix du meilleur espoir pour son rôle de migrant qui au péril de sa vie, traverse l’Afrique et la Méditerranée pour arriver en Italie, dans Moi, Captain de Matteo Garrone, qui a également remporté le Lion d’argent pour la meilleure réalisation.
Contexte de grève
Au niveau des interprétations, la Mostra a distingué deux Américains : Cailee Spaeny pour son premier grand rôle dans le biopic ‘Priscilla’ de Sofia Coppola, et Peter Sarsgaard pour son incarnation d’un homme atteint de démence dans ‘Memory’ de Michel Franco
A l’opposé des nombreuses stars présentes dans des films des grands studios, et qui n’ont pas pu se rendre à Venise en plein mouvement de grève, les deux lauréats ont gravi les marches pour recevoir leur prix. Peter Sarsgaard a profité de l’occasion pour faire part de son soutien à la grève et lancer une diatribe contre l’intelligence artificielle.
Par ailleurs, malgré la grève, quelques stars comme Adam Driver, Mads Mikkelsen ou Jessica Chastain ont pu se rendre à Venise, et ont exprimé leur soutien à la grève.
Mouvement #MeToo
Les mouvements féministes ont également profité de l’occasion pour se faire entendre à travers des affiches placardées dans toute la ville, dénonçant l’hommage rendu par le plus vieux s festival du monde à des artistes ciblés par le mouvement #MeToo, qui dénonce le harcèlement et les violences sexuels envers les femmes.
Luc Besson, contre qui des accusations de viol ont été portées avant que la justice française ne les rejette définitivement cette année, était en compétition avec Dogman. Woody Allen, mis à l’écart de l’industrie américaine du film et qui n’est pas poursuivi par la justice, a présenté son 50e film Coup de Chance, le premier tourné en langue française, hors compétition.
Roman Polanski, en fuite aux États-Unis suite à une condamnation pour sexualité avec une mineure, n’a pas pu se rendre à Venise, où son dernier film The Palace a reçu un accueil plutôt froid.
A contre-courant, le directeur de la Mostra, Alberto Barbera, s’est justifié vis-à-vis de l’invitation de ces réalisateurs en mettant en avant qu’il faut distinguer l’oeuvre de l’artiste.