Muriel Robin, une actrice qui a ouvertement déclaré son homosexualité, était l’invitée du samedi de l’émission « Quelle Epoque ! » sur France 2. Durant son passage, elle a parlé des problèmes auxquels elle a dû faire face dans sa carrière cinématographique à cause de son orientation sexuelle.
L’actrice et comique très populaire, a déclenché une controverse sur le plateau de « Quelle Epoque! » sur France 2 ce week-end, en déclarant qu’elle était « la seule actrice au monde à révéler son homosexualité ». À l’âge de 68 ans, Muriel Robin explique que pendant de nombreuses années, son orientation sexuelle l’a empêchée d’obtenir des rôles dans des comédies, malgré le fait qu’avec ses spectacles, elle attire une multitude de spectateurs.
« Les acteurs homosexuels français que je connais restent silencieux », a-t-elle continué, ajoutant qu’il n’y a pas d’acteurs gays ou lesbiennes visibles « qui ont une grande carrière ». Elle est allée jusqu’à dire aux jeunes en herbe : « Il ne sert à rien de se lancer dans cette carrière. Ils ne trouveront pas de travail. »
Selon elle, le problème réside dans le « désir » qui doit émaner des stars du cinéma : « si on est homosexuel, on n’est pas désiré, on n’est pas attrayant. Et si on n’est pas attrayant (…) on ne vaut rien », c’est ainsi qu’elle a résumé la situation.
Un manque de représentation
Il est difficile d’estimer cette discrimination: il n’y a pas de statistiques sur l’orientation sexuelle des acteurs et actrices. Peu d’acteurs ou actrices françaises célèbres ont publiquement parlé de leur homosexualité, comme Nicolas Maury ou Adèle Haenel, qui a quitté le cinéma bruyamment en mai dernier. À l’étranger, l’acteur britannique Rupert Everett a parlé des difficultés d’être un acteur gay, tandis que Muriel Robin a mentionné Jodie Foster, qui a longtemps gardé le silence sur le sujet.
Cependant, le collectif 50/50, qui examine les problèmes de discrimination dans le cinéma, a publié un baromètre l’année dernière qui mesure notamment la proportion de personnages LGBT+ dans les films français.
La conclusion de l’étude est que les personnages homosexuels ou bisexuels sont rares: sur une centaine de films analysés, l’orientation sexuelle des personnages principaux est connue pour 82% d’entre eux, et seuls 5% sont des personnages gays ou lesbiens, généralement de manière « très stéréotypée ».
« Un risque énorme à prendre »
Ces rôles sont généralement joués par des acteurs qui ne s’identifient pas comme homosexuels, explique Stéphane Gaillard, un directeur de casting engagé sur le sujet. Quant aux rares acteurs gays ou lesbiennes qui le revendiquent, ils se voient rarement proposer des rôles hétérosexuels, leur identité étant « phagocytée », ajoute-il.
« Ce n’est pas une conspiration, c’est quelque chose de très ancré et qui n’est pas pensé », même chez les réalisateurs queers, analyse-t-il. Résultat, « aujourd’hui encore, il est très risqué pour les acteurs de faire savoir qui ils sont en réalité. »
« Pour un hétéro, jouer un rôle gay est valorisant, c’est une opportunité, alors que pour un homosexuel, c’est le risque de n’être proposé que pour un certain type de rôles », ajoute-t-il.
Culture de la virilité
Selon une autre directrice de casting et responsable du collectif 50/50, Sophie Lainé Diodovic, le mécanisme décrit par Muriel Robin « est surtout applicable aux stars les plus connues, qui doivent rester des objets de désir ».
Au-delà de l’orientation sexuelle supposée, cette professionnelle appelle à « une déconstruction culturelle de la virilité », pour refléter plus précisément la diversité des désirs du public. Lors de la préparation de certains films, « on m’a déjà dit : il fait trop gay », explique-t-elle au sujet d’un acteur qui ne répondait pas aux critères classiques de la virilité « à la Belmondo ou Depardieu ». Cependant, les choses évoluent déjà avec des acteurs comme Edouard Baer ou Timothée Chalamet, qui sont moins physiquement virils.
Pour continuer à changer cet « inconscient collectif », Sophie Lainé Diodovic appelle à l’implication de tout le milieu. L’ancien agent Dominique Besnehard (Dix pour cent) espère que l’intervention de Muriel Robin pourra être d’aide à de jeunes acteurs : « ce qu’elle fait est bien (…) cela va faire avancer les choses », a-t-il déclaré dans l’émission en ligne BuzzTV.