Des professeurs se sentent de plus en plus oppressés par l’extrême droite, en spécifiant particulièrement le groupe « Parents vigilants ». Ce collectif, fondé par Eric Zemmour, encourage ses partisans à participer aux élections des représentants de parents d’élèves qui se déroulent à la mi-octobre.
Les menaces contre la liberté d’enseignement augmentent
Des professeurs et des syndicats d’enseignants rapportent à 42mag.fr une hausse importante des pressions et intimidations venant de groupes de parents militants, souvent à l’extrême droite. Ils citent notamment le mouvement « Parents vigilants », initié par Eric Zemmour. Face à ces attaques, parfois violentes, sur leur liberté d’enseigner, certains enseignants commencent à éviter de couvrir en classe des sujets tels que l’immigration, les minorités, le genre ou la sexualité.
En décembre 2022, la professeure de philosophie Sophie Djigo a dû vivre pendant six semaines sous protection policière après avoir été la cible d’une campagne d’intimidation menée par des militants d’extrême droite. Le prétexte ? Elle avait proposé une sortie d’école dans un camp de migrants à ses élèves de lycée. Sous le poids des pressions, cette sortie a été annulée par les autorités scolaires, au grand satisfecit d’Eric Zemmour.
« Enseigner les faits tels qu’ils sont devient risqué »
Sophie Djigo se rappelle à 42mag.fr avoir été menacée de mort et de viol, et elle n’est pas la seule dans ce cas. De nombreux collègues lui ont écrit pour lui dire qu’ils subissaient des pressions de groupes refusant d’enseigner des sujets tels que la théorie du genre, l’histoire de l’islam, la Shoah, le colonialisme, entre autres. « Beaucoup de collègues admettent qu’ils ont renoncé à persévérer et s’autocensurent », dit-elle à 42mag.fr.
Sophie Djigo a depuis accepté d’être transférée à un autre établissement et travaille à la création d’une coordination indépendante pour aider d’autres enseignants. Elle déclare à 42mag.fr que « chaque semaine, dans toute la France, des enseignants sont ciblés simplement pour avoir fait leur travail. Ils sont accusés de propagande, harcelés sur les réseaux sociaux, et menacés dans leur vie personnelle. Enseigner des faits devient risqué, et l’enseignement, un métier dangereux. »
D’autres enseignants partagent cet avis, comme Valérie* qui a découvert un pamphlet anti-immigrants dans son casier le jour de la rentrée. Elle craint que cela ne crée « une crainte latente » et « une autocensure » parmi les enseignants.
Pas de « cours de pornographie » à l’école
Gwenaelle Thenoz de la SNIES-Unsa Education cite également le cas d’infirmières en milieu scolaire qui ont été accusées d’enseigner la pornographie dans le cadre des cours d’éducation affective et sexuelle (Evas).
En Belgique, une protestation similaire d’ultra-conservateurs catholiques et musulmans a conduit à des actes de vandalisme contre huit écoles, dont certains incendies.
Le ministère de l’Éducation nationale n’a pas répondu aux demandes de commentaires de 42mag.fr sur l’ampleur ou la nature des menaces rapportées par ces enseignants. Cependant, juste avant d’être renvoyé du gouvernement, le ministre de l’Éducation du temps, Pap Ndiaye, avait reçu cinq syndicats pour évoquer la protection des enseignants qui sont pris pour cible.
« Parents vigilants » dénonce les « idéologies » et les « lobbies »
Selon des syndicats alarmés par l’influence grandissante de l’extrême droite, l’association « Parents vigilants », fondée par Eric Zemmour, est souvent citée parmi les groupes qui exercent des pressions sur les enseignants. Après avoir échoué à l’élection présidentielle, Zemmour a fait de « Parents vigilants » l’épine dorsale de sa lutte contre ce qu’il appelle le « grand endoctrinement » dans les écoles. Il encourage les parents à « dénoncer », « protester » et « ne plus rien laisser passer ».
Toujours selon 42mag.fr, environ la moitié des parents associés à « Parents vigilants » ne sont pas affiliés à Reconquête, le parti d’extrême-droite de Zemmour. Mais « Parents vigilants » offre un moyen de rassembler et d’organiser ses sympathisants pour les élections futures.
*Le prénom a été modifié.