Chaque jour, une célébrité entre dans l’univers d’Élodie Suigo. Ce mercredi 10 avril 2024, c’est l’actrice Nadia Tereszkiewicz qui en est l’invitée. Elle est en vedette dans le film « Rosalie », réalisé par Stéphanie Di Giusto, où elle partage l’affiche avec Benoît Magimel.
L’actrice franco-finlandaise Nadia Tereszkiewicz s’est fait remarquer grâce à son jeu d’actrice passionné dans Seules les bêtes réalisé par Dominik Moll en 2019 et dans la série franco-israélienne Possessions, diffusée sur Canal+ en 2020. En 2023, elle a été saluée pour son interprétation de Stella dans l’œuvre semi-autobiographique de Valeria Bruni-Tedeschi, Les Amandiers, qui lui a valu le César du meilleur espoir féminin. Elle avait débuté sa carrière en 2016, dans un rôle de figuration pour La danseuse, un film de Stéphanie Di Giusto. Cette dernière a de nouveau fait appel à elle pour Rosalie, un film qui sortira le 10 avril et dans lequel elle partage l’affiche avec Benoît Magimel. Dans cette œuvre à la fois engagée et englobante, elle interprète Rosalie, une femme du 19ème siècle qui cache un secret lourd : son corps et son visage sont couverts de poils. Pour éviter le rejet social, elle se rase. Elle se marie à un aubergiste qui découvre rapidement son secret. Face à cette révélation, il doit alors apprendre à l’aimer.
franceinfo : Rosalie donne une perspective sur l’amour et ses tourments.
Nadia Tereszkiewicz : Oui, c’est bien cela. Au-delà des apparences, si l’on parvient à voir au-delà de cette barbe, interroger l’amour à notre époque, nous poser des questions sur la féminité dans une société où nous jugeons énormément les personnes différentes; alors, je souhaite ardemment que le film incite à plus de tolérance.
La différence n’est-elle pas devenue avec le temps une force ?
En tout cas, Rosalie, ce personnage, transforme sa particularité en force, et j’ai le sentiment que cela fait écho à ma propre vie. Tout au long du film, elle cherche à s’accepter telle qu’elle est, à se libérer du regard des autres.
« ‘Rosalie’ est une œuvre qui interroge la liberté d’être soi-même. »
Nadia Tereszkiewiczsur 42mag.fr
La réalisatrice a déclaré qu’elle avait auditionné diverses actrices avant vous, et que vous étiez la seule à vous immiscer véritablement dans le personnage avec cette barbe. Qu’est-ce qui explique cela ? Est-ce lié à votre passé de danseuse ? Vous auriez pu devenir danseuse étoile. La danse est une discipline dure, avec ses exigences et ses codes. Cela a-t-il eu un impact ?
Il est possible que cela ait inconsciemment influencé mon choix de poursuivre une carrière cinématographique où je peux donner vie à des personnages féminins divers. La danse m’a fait grandir, et mes années de danseuse ont été magnifiques. Chaque instant m’a été émotionnellement riche. Mais la course à la perfection physique, la recherche d’une constance et d’un respect des codes dans la danse classique ont été des obstacles. Valeria Bruni-Tedeschi m’a conseillé un jour que « le ridicule est merveilleux« . Je me suis approprié cette phrase pour m’affranchir des regards extérieurs et essayer de me laisser aller et de lâcher prise.
« En incarnant ce personnage, j’ai eu l’impression de travailler aussi sur moi-même, ce n’était pas sans conséquence puisque littéralement, la barbe me collait à la peau. »
Nadia Tereszkiewiczsur 42mag.fr
Votre mère est finlandaise, votre père est polonais. Vous avez toujours affiché une forte personnalité, ce qui était déjà visible à vos débuts. Un de vos réalisateurs vous avait suggéré de changer de nom, arguant que c’était nécessaire pour réussir dans le milieux du cinéma. Vous avez résisté à cette proposition.
C’est exact. Je resterai ferme sur ce point, je ne changerai jamais mon nom. L’idée même me semble insensée. Je n’aurais jamais pu annoncer à mon grand-père que j’avais changé de nom. Par ailleurs, c’est mon seul lien avec la Pologne, car je ne me sens pas polonaise. Je me sens profondément finlandaise.
Vous parlez couramment finnois.
Oui, le finnois est ma langue maternelle. C’est la langue de ma petite enfance. C’est essentiel pour moi. Je crois qu’il y a de fortes connexions entre nous et les choses de notre petite enfance.
Vous avez d’abord suivi une Hypokhâgne, puis une Khâgne. Ensuite, vous êtes entrée dans la classe libre du Cours Florent. À ce moment-là, tout le monde a constaté que c’était une évidence. Avez-vous également ressenti cette évidence, que ce métier allait vous accompagner toute votre vie ?
En fait, je ne sais pas. Je l’espère en tout cas. J’ai réalisé à quel point le cinéma rassemble tout ce que j’aime : ma passion pour la littérature, la danse, le fait de rencontrer tellement de gens différents, de voyager… Cependant, je suis consciente de l’éphémérité de tout cela. Rien n’est jamais garanti. J’ai eu de la chance, j’ai pu rencontrer d’incroyables cinéastes, des personnes qui ont vraiment changé ma vie.
En regardant attentivement les rôles que vous avez joués, que ce soit dans Mon crime, ou dans Les Amandiers pour lequel vous avez reçu un César, ou encore dans Rosalie, on ressent toujours une touche de féminisme, mais un féminisme positif. C’est comme si vous aviez envie de véhiculer des messages à travers les films que vous choisissez. C’est là que se situe votre engagement ?
Je suis ravie si vous le percevez ainsi. J’ai l’impression qu’à chaque film, j’ai incarné des femmes qui m’ont interrogée, déstabilisée. Chacune d’elles ont, et je m’en suis rendu compte lors d’interviews, une émancipation en germe. Je pense à L’Île rouge de Robin Campillo, par exemple, où le personnage féminin vit dans les années 60, mais on sent que à tout moment elle peut se libérer et s’émanciper. J’ai trouvé intéressant de voir comment le monde perçoit la femme, selon l’époque, que ce soit dans les années 30, dans les années 60…
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