Jacques Audiard revient sur le célèbre boulevard de la Croisette, présentant son dernier film « Emilia Perez », en lice pour la compétition principale. C’est un visage familier du festival qui a laissé une empreinte indélébile sur le cinéma français avec ses œuvres mémorables.
Jacques Audiard fait incontestablement partie des figures emblématiques du cinéma en France. Ses réalisations sont un savant mélange de cinéma populaire et d’auteur, caractérisées par des récits profondément émouvants. Ses œuvres, qu’elles soient dramatiques ou violentes, mettent en scène des personnages aux prises avec leurs tourments intérieurs. Son travail a été salué tant par la presse que par le public. Ayant une fois de plus manqué la Palme d’or du Festival de Cannes, il l’a enfin remportée en 2015 grâce à son film Dheepan. Que l’on pense à l’extraordinaire prestation de Tahar Rahim dans Un prophète ou à l’interprétation touchante de Marion Cotillard dans De rouille et d’os, les films de Jacques Audiard ont laissé une trace indélébile dans le paysage cinématographique français.
1 Premier long métrage : « Regarde les hommes tomber » (1994)
Le premier film de Jacques Audiard, « Regarde les hommes tomber » (1994), est un road-movie qui dépeint un jeu de cache-cache entre deux criminels que tout oppose. Présenté lors de la Semaine de la critique au Festival de Cannes de 1994, ce film a été récompensé par trois César, dont celui de la meilleure première œuvre, et le prix Georges Sadoul en 1995.
Le récit suit deux destins parallèles. D’une part, nous avons Simon Hirsch, un représentant commercial de peu de mots, qui cherche à venger son unique ami, un inspecteur de police abattu lors d’une enquête. D’autre part, il y a l’histoire de Marx, un arnaqueur vieillissant, incarné par Jean-Louis Trintignant, qui entraîne Johnny, joué par Mathieu Kassovitz, un jeune désemparé qui se prend d’affection pour lui. Grâce à ce rôle, Mathieu Kassovitz a reçu le César du meilleur espoir masculin en 1995.
« De battre mon cœur s’est arrêté » (2005) : Une critique incisive de la société
De battre mon cœur s’est arrêté marque la quatrième réalisation de Jacques Audiard. Avec Romain Duris et Niels Arestrup à l’affiche, ce drame, coécrit avec Tonino Benacquista, reprend le film noir Mélodie pour un tueur (1978) de James Toback. Il dépeint une relation toxique entre un père et son fils, sur fond de transactions immobilières douteuses. Ce film a connu un grand succès tant auprès du public que de la critique, et a reçu huit César en 2006, notamment ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur dans un second rôle pour Niels Arestrup.
A l’image de l’original, De battre mon cœur s’est arrêté centre son histoire sur un personnage principal complexe. Thomas, un jeune promoteur immobilier peu scrupuleux âgé de 28 ans, avait autrefois des rêves de pianiste, qu’il abandonne à la mort de sa mère. Pris par les manipulations de son père vieillissant, il s’insère dans un univers violent. Il n’a aucune compassion pour les immigrés qu’il chasse des immeubles qu’il acquiert pour les rénover. Entre ses combines et ses liens avec la mafia, Tom renoue avec son désir de devenir pianiste, répétant nuit et jour au piano, sous la supervision d’une pianiste chinoise prodigieuse.
Enfin salué par le jury du Festival de Cannes avec « Un prophète » (2009)
Un prophète, qui raconte l’ascension d’un jeune délinquant d’origine maghrébine au sein d’une prison, a valu à Jacques Audiard le Grand Prix du jury du Festival de Cannes en 2009. Cette œuvre monumental a recueilli les éloges des journalistes lors de sa projection à Cannes, et est devenue un véritable succès commercial. Il a obtenu neuf César en 2010, dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur, ainsi que du meilleur acteur et du meilleur espoir masculin pour Tahar Rahim. Ce dernier a donc été doublement récompensé pour un même rôle, une distinction qui a alors incité l’Académie des arts et techniques du cinéma à interdire le cumul de nominations dans différentes catégories pour un même personnage.
Un prophète a été nommé aux Oscars en 2010 dans la catégorie du meilleur film étranger. Le film sera adapté en série télévisée en 2024, qui devrait être diffusée sur la chaîne OCS. Selon les informations révélées par OCS, Mamadou Sidibé tiendra le rôle de Malik pour cette série de huit épisodes visant à faire renaître le personnage dans une « série noire » reflétant le Marseille d’aujourd’hui.
« De rouille et d’os » (2012) : Un regard émouvant sur l’amour et le handicap
De rouille et d’os (2012) est une adaptation d’un recueil de nouvelles de l’écrivain canadien Craig Davidson. Ce drame social met en scène un jeune père perdant pied et une dresseuse d’orques qui a perdu ses deux jambes, incarnée par Marion Cotillard. Le film, souvent comparé à Intouchables, aborde la question du handicap.
Sorti l’année précédente, le film a été présenté en compétition lors du 65e Festival de Cannes et a été largement salué par les critiques. C’est le film de Jacques Audiard qui a rencontré le plus de succès auprès du grand public avec près de deux millions d’entrées en salle. Malgré sa déception à Cannes, De rouille et d’os a remporté quatre César lors de la 38e cérémonie, dont ceux de la meilleure adaptation et du meilleur espoir masculin pour Matthias Schoenaerts. Ainsi, Audiard est devenu le réalisateur le plus primé aux César avec dix trophées à son actif.
« Dheepan » (2014) : Les affres de l’exil
Le septième film de Jacques Audiard, Dheepan, jette un regard éloquent sur le quotidien d’un réfugié du Sri Lanka qui espère obtenir l’asile politique en Europe après avoir perdu son camp lors de la guerre civile. Il s’installe dans une banlieue en France où il travaille comme gardien d’immeuble. Ce film poignant, qui met en scène des acteurs tamouls encore méconnus à l’époque, a valu à Audiard la Coupe d’or à Cannes en 2015. Bien que certains critiques aient jugé que ce n’était pas son meilleur film, la majorité l’a apprécié. Néanmoins, quelques voix discordantes ont critiqué la manière dont le film dépeint les quartiers populaires, les percevant comme dénués de vie social et surexploités pour exacerber la violence du récit.