Méfiance envers les organismes officiels, augmentation du taux d’abstention lors des scrutins, exacerbation des discussions publiques : alors que la démocratie politique semble affaiblie, les employés souhaitent-ils voir plus de processus démocratiques au sein de leurs lieux de travail ?
La quête de démocratie au sein des entreprises
À une époque marquée par une méfiance croissante envers la classe politique et un taux d’abstention électorale préoccupant, les instituts de sondage se penchent de plus en plus sur la question de la démocratie au travail. Sarah Lemoine nous propose une analyse approfondie de cette préoccupation moderne.
Les salariés souhaitent-ils plus de démocratie dans leur milieu professionnel ?
Effectivement, les employés souhaitent davantage de démocratie au sein de l’entreprise, comme l’indique une étude menée par l’institut Bona Fidé pour Arthur Hunt, un cabinet de conseil en ressources humaines. Ce sondage, qui a sondé 1 000 salariés du secteur privé, révèle qu’une majorité estime que leur environnement professionnel est déjà « assez » ou « très démocratique ». Concrètement, 61 % des participants considèrent leur entreprise déjà démocratique.
Même si beaucoup se sentent libres d’exprimer leur avis critique et de discuter des décisions de leurs supérieurs, des frustrations persistent. Environ la moitié des employés se perçoivent traités de manière infantilisante par leur hiérarchie, ou se retrouvent parfois en contradiction avec leurs valeurs. À l’issue, environ deux tiers des travailleurs estiment que les entreprises ont encore des progrès à faire en termes de démocratie.
Quels sont les critères d’une entreprise plus démocratique ?
Pour la majorité des personnes interrogées, la priorité d’une entreprise réellement démocratique est de consulter plus fréquemment et directement les salariés sur des sujets liés à l’organisation et au temps de travail, notamment via des référendums internes. La répartition des bénéfices, l’élection des représentants du personnel et le respect des engagements de responsabilité sociétale sont également considérés comme importants. Il est frappant de constater que le partage égal du pouvoir entre les employés et les dirigeants, ainsi que la participation au capital, arrivent en dernière position des préoccupations.
En analysant ces résultats, Samuel Jequier, directeur général adjoint de Bona Fidé, remarque que « les employés ne cherchent pas à prendre la place de leurs supérieurs. Le véritable enjeu est de s’assurer que les travailleurs sont écoutés et impliqués, surtout sur les sujets qui concernent leur quotidien professionnel. Ils veulent éviter les décisions imposées sans consultation, notamment celles relatives au télétravail ou à l’organisation des bureaux ».
L’idée d’élire son supérieur immédiat par ses collègues suscite également un fort intérêt, bien que cette notion soit moins populaire parmi les cadres.
Une entreprise démocratique doit-elle aussi être engagée politiquement ?
Ce n’est pas nécessairement le cas. Une majorité de six salariés sur dix considère que les entreprises ayant pris position pour le Front républicain sortent de leur périmètre de responsabilité. Cette perspective est particulièrement partagée par les plus de 50 ans. Ce phénomène s’explique en partie par le fait que 40 % des salariés, notamment les plus âgés, ont voté pour le Rassemblement National, selon Jequier.
De plus, il existe une attente de neutralité des entreprises sur les questions sociétales clés, bien que cette aspiration soit partagée par une faible majorité. Bona Fidé observe une déconnexion croissante entre le progressisme culturel affiché par les grandes entreprises et les attentes des employés. Dans une société de plus en plus polarisée, le risque pour une entreprise qui s’exprime publiquement est d’aliéner une partie importante de ses employés.