Le sociologue Jean Viard revient sur la réélection de Donald Trump, qui est devenu le 47e président des États-Unis après une victoire décisive le mercredi 6 novembre 2024.
La Réélection de Trump : Un Nouveau Souffle pour le Populisme
Le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis illustre une fois de plus la montée en puissance du populisme, visible non seulement aux États-Unis, mais aussi en Argentine, en Hongrie, en Italie, et même en France. Ce mouvement, qui a émergé à la fin du XIXᵉ siècle en Russie en opposition au tsarisme, se manifeste aujourd’hui par une méfiance envers les élites, les institutions et le système établi.
Pourquoi le Populisme Séduit-il Autant ?
Selon Jean Viard, le populisme n’est pas uniquement une révolte contre les élites, mais également une manifestation de rejet envers les immigrés et les groupes vulnérables. Il s’agit d’en donner le pouvoir à des « gens ordinaires » en exclus les ultra-riches et les pauvres. Traditionnellement, la société se déplaçait sur un axe gauche-droite, redéfinissant constamment les termes de la relation capital/travail. Aujourd’hui, cependant, l’importance de cette opposition a diminué, laissant place à de nouveaux enjeux majeurs, notamment les relations hommes-femmes et l’impact de l’humanité sur l’environnement. Face à ces défis, le pouvoir politique semble désorienté.
Il est également important de noter l’évolution des structures sociales. Par exemple, il y a quarante ans, la participation aux cultes religieux et le soutien au parti communiste représentaient ensemble environ 60% de la population. Aujourd’hui, seule une fraction minuscule persiste, laissant un espace que le populisme remplit en défendant le statu quo — contrôle sur les femmes, la nature, et les immigrants. Trump incarne cette volonté de retour en arrière, qui serait considérée comme conservatrice et réactive à une époque antérieure. Mais cette approche s’affiche centrale en l’absence de perspectives alternatives fortes.
Questionner les Failles de la Démocratie
Plutôt que de simplement condamner le populisme, il est essentiel d’examiner ce qui ne va pas dans la démocratie actuelle. La gauche, définie ici dans un sens large comme libérale, peine à proposer une vision unifiée. Elle est embourbée dans des conflits internes, divisée entre écologisme, anticapitalisme, et d’autres idéologies. La conception de grandes entreprises écologiquement responsables semble presque taboue. En France, des efforts spéciaux sont nécessaires pour avancer sur ces sujets.
Populisme, Protectionnisme et Retrait National
Un lien étroit existe entre le populisme, le protectionnisme et le nationalisme, formant souvent un repli vers l’intérieur. Traditionnellement, les nations protègent d’abord leurs citoyens, et c’est une pratique ancrée aux États-Unis. Cependant, après la pandémie, la mondialisation a ralenti, incitant à faire des affaires localement pour réduire les dépendances aux fournisseurs éloignés. Cela a modifié les mentalités.
Parallèlement, la crise climatique est indéniablement mondiale, affectant tous les individus et exigeant des réponses collectives. Même dans ce contexte global, il existe une tentation de repli sur soi, comme le montrent les États-Unis, en espérant que les tensions s’estompent par elles-mêmes. Cependant, l’urgence climatique ne disparaîtra pas d’elle-même.
Qu’est-ce qui Met en Péril la Démocratie ?
La menace pour la démocratie ne vient pas directement du populisme mais plutôt d’une transformation profonde de notre société. Nous avons quitté l’ère industrielle pour entrer dans celle des grands défis climatiques, nécessitant un temps de transition politique significatif. Actuellement, nous sommes entre deux modèles, et la réponse facile pourrait sembler être de réunir ceux qui sont semblables, exclure les autres, ériger des frontières et se refermer sur soi-même.
Cependant, cette position d’attente est une option négative. Pour contrer cela, il est crucial de développer des projets économiques et culturels intégrant une vision écologique. C’est en bâtissant un chemin alternatif solide que le populisme pourrait reculer, comme ce fut le cas au début du 20ᵉ siècle.