Depuis qu’il a pris ses fonctions à la place Vendôme, l’ex-ministre de l’Intérieur s’est fait remarquer dans les médias avec plusieurs suggestions. Celles-ci suscitent des avis variés quant à leur pertinence au sein de la communauté judiciaire.
Multiples initiatives et propositions de Gérald Darmanin au ministère de la Justice
Peu après son retour au sein du gouvernement, Gérald Darmanin, à présent ministre de la Justice, a enchaîné les visites et les déclarations remarquées. Pour commencer, il s’est rendu au tribunal d’Amiens et au centre pénitentiaire de Liancourt. Il a aussi participé à une interview sur TF1. Parmi ses principales annonces, faite le 26 décembre, il a exprimé le souhait d’étendre la durée de la garde à vue dans les affaires de violences sexuelles aggravées et de féminicides. Juste avant cela, il avait affiché son intention de « nettoyer les prisons » et de faciliter l’application des peines courtes. Franceinfo a recueilli les opinions variées des professionnels du secteur judiciaire à propos de ces propositions.
Accroître les ressources humaines et matérielles pour la Justice
Les intentions de Gérald Darmanin. Lors d’une visite au tribunal d’Amiens pendant les fêtes de Noël, il a exprimé son désir d’augmenter le budget alloué à son ministère. Il a souligné que la justice souffre d’une lenteur excessive, que même les magistrats dénoncent. Selon lui, la solution réside dans plus de rapidité et de fermeté, ce qui nécessite des ressources accrues. Darmanin a insisté sur la nécessité de recruter davantage de greffiers et de magistrats. Il a convenu que cet objectif ambitieux doit être aligné avec les contraintes budgétaires, et prévoit de discuter de ces enjeux importants avec la nouvelle ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, dès lundi prochain.
Les réactions des professionnels. Dans la filière pénale, il est largement accepté qu’une augmentation de ressources est essentielle. Malgré les avancées budgétaires sous la présidence d’Emmanuel Macron avec Éric Dupond-Moretti, la France se classe toujours en bas du tableau européen en termes de procureurs par habitant, d’après un rapport de la CEPEJ. Ludovic Friat, à la tête de l’Union syndicale des magistrats, a précisé que le défi principal pour Darmanin sera de maintenir le cap sur le budget, rappelant une précédente réduction budgétaire et des efforts pour regagner des fonds.
Établir des centres de détention à taille humaine
Les initiatives de Gérald Darmanin. En visite à Liancourt, Gérald Darmanin a soulevé la problématique de la surpopulation carcérale, une réalité avec plus de 80 000 détenus en France début novembre, soit une surpopulation dépassant 128%. En se projetant vers la création de nouveaux espaces carcéraux d’ici 2029, Darmanin a suggéré des alternatives plus humaines et localisées. Il a évoqué la pertinence de penser des structures plus petites et adaptées pour exécuter des peines courtes, un écho aux propositions faites antérieurement par d’autres responsables politiques.
Réactions des experts. Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, considère cette idée révolutionnaire et souhaiterait voir de petits établissements en milieu urbain. Néanmoins, elle appelle à explorer également d’autres alternatives pour l’application des peines. Du côté des magistrats, certains comme Kim Reuflet préfèrent éviter les courtes peines, en raison de leurs effets négatifs potentiels sur la réinsertion, tandis que Béatrice Brugère soutient l’idée, notamment pour des peines extrêmement courtes.
Déployer des initiatives pour assainir les prisons
Propositions de Gérald Darmanin. Inspiré de sa stratégie antérieure contre le trafic de drogues, Darmanin veut éradiquer les désordres en prison, notamment la possession illicite de téléphones portables par les détenus. Il projette des interventions technologiques pour neutraliser ces appareils, car leur utilisation facilite diverses illégalités depuis les cellules.
Opinions divergentes des spécialistes. Cependant, l’impact de telles campagnes antidrogue, comme « place nette XXL », est souvent remis en question par des professionnels, qui les jugent inefficaces face à l’ampleur des enjeux sécuritaires. Wilfried Fonck, du syndicat Ufap-Unsa Justice, note que la prolifération de téléphones n’est qu’une fraction des nombreux défis posés par la surpopulation carcérale et les conditions de détention.
Prolongation de la garde à vue pour les cas de violences sexuelles graves
Déclarations de Gérald Darmanin. Lors d’une entrevue sur TF1, il a abordé l’idée d’augmenter la durée de garde à vue pour certaines infractions de 48 à 72 heures. Il considère cette prolongation comme un moyen d’assurer la protection des victimes et de faciliter le travail technique et scientifique de la police, tout en permettant des interrogatoires plus approfondis.
Point de vue des professionnels. Actuellement, une telle extension est limitée à une poignée de crimes graves et requiert l’avis de juges. Judith Allenbach du Syndicat de la magistrature, souligne que la limitation à 48 heures n’est pas toujours exploitée au maximum, en raison de divers obstacles opérationnels. En revanche, Christophe Miette, représentant des cadres de la sécurité intérieure, juge cette allongement comme potentiellement bénéfique, offrant plus de temps pour bâtir des cas solides et pour s’occuper du bien-être immédiat des victimes.