L’ancien chef du gouvernement sous François Hollande a été désigné pour s’occuper des affaires des Outre-mer, alors que Mayotte traverse une période de troubles. Cette nomination marque son retour sur la scène politique après plusieurs échecs à réintégrer le pouvoir depuis qu’il a quitté Matignon en 2016.
Lors de la passation de pouvoir qui a eu lieu ce mardi 24 décembre, un sourire s’est dessiné sur le visage de Manuel Valls. Tout juste désigné lundi comme ministre d’État chargé des Outre-mer dans le nouveau cabinet de François Bayrou, il a reçu peut-être l’un des plus beaux cadeaux de Noël. Après un long parcours semé de tentatives pour retrouver une position d’influence depuis sa défaite lors de l’élection présidentielle de 2017, cet homme de 62 ans, d’origine franco-espagnole, entreprend de gérer la situation complexe de Mayotte, particulièrement affectée la mi-décembre par le passage du cyclone Chido.
Deux années à Matignon suivies d’un échec cuisant à l’élection présidentielle
Manuel Valls a d’abord intégré le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en tant que ministre de l’Intérieur après que François Hollande fut désigné président. Étant constamment sous le feu des projecteurs, il était fréquemment comparé à Nicolas Sarkozy pour son omniprésence médiatique et son image de « premier flic de France ». En mai 2014, il fut choisi comme Premier ministre. Après plus de deux ans à ce poste, il donna sa démission suite à l’annonce de François Hollande qu’il ne briguerait pas un second mandat présidentiel. Malgré une volonté affichée de devenir président, sa campagne pour la primaire de la gauche sombra dans le chaos. En une série d’épisodes humiliants, notamment être enfariné à Strasbourg et giflé à Lamballe, il finit par être nettement battu par Benoît Hamon. Refusant de soutenir Hamon, Valls prit la décision controversée de se tourner vers Emmanuel Macron, son ancien ministre de l’Économie, ce qui lui attira des reproches d’une bonne partie de ses partisans, qui voyaient là un acte de trahison.
Quitter le PS pour rejoindre les rangs macronistes en 2017
Après sa défaite à l’élection présidentielle, Manuel Valls tenta de relancer sa carrière politique en se présentant pour un nouveau mandat de député en Essonne. Avec son soutien à Emmanuel Macron, il espérait obtenir l’investiture de La République en marche. Cependant, ayant déjà trois mandats de député à son actif, il ne remplissait pas les critères de LREM. Bien que le parti n’ait pas soutenu sa candidature ni présenté de candidat dans sa circonscription, il fut réélu de justesse. Son adversaire, Farida Amrani, contestant les résultats et demandant un nouveau décompte, finit par déposer un recours sans succès.
Quelques jours après avoir été réélu, il annonça rejoindre le groupe parlementaire LREM en tant que membre apparenté. Cela marqua une rupture définitive avec le PS, tant sur le plan idéologique que politique. Partisan de mesures controversées telle que la déchéance de nationalité et la loi Travail, Manuel Valls, qui prônait la théorie des « gauches irréconciliables » et encourageait une alliance entre « progressistes » de différents bords, laissa une impression amère parmi les membres du PS.
Nouvelle démission en 2018 et tentative infructueuse pour la mairie de Barcelone
Pour beaucoup, la candidature de Manuel Valls à Barcelone constitua une autre trahison, notamment envers les électeurs de l’Essonne qui l’avaient élu de façon marginale. En 2018, il quitta son siège de député pour viser la mairie de la ville de sa naissance, Barcelone. Bien que natif de cette ville, Valls a grandi à Paris et est devenu français à l’âge de 20 ans, perdant ainsi initialement sa citoyenneté espagnole. Toutefois, il cherchait à relancer sa carrière politique en Espagne après avoir récupéré son passeport espagnol. Interviewé par France 2, il déclara partir « sans amertume ni regret ».
En mai 2019, sa liste termina quatrième lors des élections municipales de Barcelone. Bien qu’il n’ait pas réussi à devenir maire, il obtint un siège au conseil municipal et affirma que son engagement pour la ville demeurait intact. Néanmoins, sa campagne fut par la suite scrutée par la justice et il fut condamné à une amende de 277 000 euros pour financement illicite en fin 2022.
Retour infructueux en France pour les législatives de 2022
Après avoir servi comme conseiller municipal à Barcelone pendant trois ans, Manuel Valls renonça à ce rôle et laissa entendre qu’il envisageait de revenir dans la politique française, déclenchant même une chanson humoristique sur une chaîne catalane.
Interrogé par El Periodico, il expliqua que ses valeurs, sa manière de penser et d’agir politiquement étaient majoritairement françaises, d’où son retour en France. Il fit un passage par les médias en devenant chroniqueur pour BFMTV et RMC en septembre 2021. En 2022, il tenta de renouer avec le territoire français en se présentant pour la cinquième circonscription des Français vivant à l’étranger, expliquant qu’un retour en Essonne n’aurait « aucun sens ». Malheureusement, sa candidature ne convainc pas et il fut éliminé dès le premier tour. Cette fois encore, il fit l’objet de critiques pour avoir exhorté à voter contre le candidat de l’alliance de gauche, la Nupes, au second tour.
Retour au gouvernement en tant que ministre d’État
À chaque réorganisation ministérielle, le nom de Manuel Valls réapparaissait sur les réseaux sociaux, souvent de manière humoristique. Cependant, fin 2024, il occupa bel et bien un nouveau rôle politique, profitant de l’instabilité politique suite aux élections européennes et à la dissolution de l’Assemblée nationale. François Bayrou déclara sur BFMTV apprécier le caractère audacieux de Valls, soulignant qu’il était « kamikaze » dans ses actions. Valls est désormais chargé de l’importante question des Outre-mer.
Intervenu sur France inter mardi matin, Valls parla de son goût pour les « défis » et les « prises de risque », affirmant que la vie est faite de succès et d’échecs et que c’est ce qui la rend belle. Se positionnant comme une figure ni de l’aile gauche ni de l’aile droite du gouvernement, il afficha un sourire éclatant lors de son discours à l’hôtel de Montmorin, après les mots de son prédécesseur François-Noël Buffet. « L’Outre-mer est un ministère de premier plan », dit-il, ajoutant que c’était pour cette raison que le ministère devait être dirigé par un ancien Premier ministre.
Sa nomination a soulevé des réactions mixtes parmi les experts du secteur. Mansour Kamardine, ancien député de Mayotte, comparait sa nomination à un nouveau cyclone Chido pour les habitants, tandis que Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, formulait l’espoir que Valls saurait apaiser les tensions en Nouvelle-Calédonie, aider davantage à la reconstruction de Mayotte et établir enfin une stratégie ambitieuse pour l’ensemble des territoires d’Outre-mer.