Une décennie après que des djihadistes ont pris d’assaut sa rédaction parisienne, tuant huit membres de son personnel, selon un hebdomadaire satirique Charlie Hebdo trace une voie ambitieuse pour ses 10 prochaines années. Le rédacteur en chef Gérald Biard déclare à 42mag.fr que le journal reste résolu dans sa mission de se moquer de toutes les religions.
Les frères Kouachi, qui avaient prêté allégeance à Al-Qaïda, ont attaqué Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, tuant huit membres du personnel, dont les caricaturistes Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski.
L’hebdomadaire satirique avait, depuis 2006, agacé les islamistes avec ses caricatures du Propet Mohammed.
Malgré le traumatisme, le magazine continue de s’en prendre non seulement à l’islam mais aussi au christianisme, au judaïsme et à tout autre système de croyance institutionnalisé, conformément à sa défense de la liberté d’expression et de la forme française de laïcité connue sous le nom de laïcité.
La couverture de son édition du 10e anniversaire montre un Charlie Hebdo lecteur assis sur un fusil sous le titre « indestructible ».
Le numéro contient une sélection de caricatures de Dieu, soumises dans le cadre d’un concours mondial lancé en novembre 2024.
« Les plus intéressants sont ceux sans légende, car le monde entier comprend sans avoir besoin de traduction », a déclaré Biard à 42mag.fr. « C’est très difficile de faire ce genre de dessin, mais quand on réussit, c’est sans précédent. »
Un dessin montre le Christ sur la croix prenant un selfie. Une autre montre un caricaturiste se demandant s’il est acceptable de dessiner « un type qui dessine un type qui dessine Mahomet ».
« Dieu est une idée comme une autre… ni moins ni plus respectable qu’une autre », affirme Biard.
« Comme toutes les idées, on a le droit d’en rire, de s’en moquer, de la contester… de se moquer de ce qu’elle incarne, de ceux qui prétendent parler en son nom ou en leur nom, car il y en a des milliers. des divinités à travers le monde.
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Menaces persistantes
Biard s’entretient avec 42mag.fr dans les locaux du point de presse de Charlie Hebdo. L’emplacement de sa salle de rédaction reste un secret jalousement gardé en raison des menaces de mort persistantes.
Biard a déclaré que de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux étaient confrontées à un harcèlement similaire.
Critique de Charlie Hebdo vient de divers milieux, pas seulement de ceux offensés par sa satire religieuse. Une récente couverture mettant en vedette Gisèle Pelicot, victime de viol, a également suscité des réactions négatives.
Le caricaturiste chevronné Riss a récemment exprimé son sentiment d’isolement, affirmant que les critiques à l’égard de Charlie Hebdo l’emporte souvent sur le soutien. Biard a fait écho à ce sentiment, affirmant qu’il souhaitait « plus de soutien, ou simplement un peu de soutien, au lieu de continuer à nous mettre des objectifs sur le dos ».
Mais il se réconforte auprès des abonnés, des lecteurs fidèles, des gens qui écrivent chaque semaine « et dont la plupart disent à quel point Charlie est important pour eux » – ce qui est « agréable à entendre ».
Le journal, fondé en 1970, compte 30 000 abonnés et vend environ 50 000 exemplaires par semaine.
Une enquête de la Fondation Jean-Jaurès réalisée en juin 2024 révèle que 76 % des Français estiment que « la liberté d’expression est un droit fondamental », y compris la liberté de caricaturer.
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La satire en déclin
Cependant, Charlie Hebdo se retrouve dans un terrain de jeu de plus en plus restreint à mesure que les journaux s’éloignent des caricatures satiriques.
Le New York Times s’est arrêté, et la semaine dernière Le Washington Post a tué un dessin animé représentant son propriétaire milliardaire Jeff Bezos agenouillé devant une statue du président élu Donald Trump. En conséquence, sa créatrice, Ann Telnaes, a démissionné.
« Les dessins de presse, la satire, la caricature, ça donne du fil à retordre », concède Biard. « Il est donc clair Le New York Times » Le comité de rédaction préfère avoir la paix et la tranquillité.
« C’est quand même gênant quand vous prétendez défendre la démocratie et la liberté d’expression dans un pays qui, je pense, en aura besoin au cours des quatre prochaines années. »
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Avoir hâte de
Les caricatures restent un outil journalistique « essentiel », affirme Biard. «Ils montrent à la société ce que nous ne pouvons ou ne voulons pas voir.» Les limites de la satire, dit-il, sont définies par la loi française de 1881 sur la liberté de la presse, qui lutte contre la diffamation, le racisme et l’antisémitisme.
« C’est assez clair et cela s’applique à tous les citoyens », ajoute Biard. De plus, chacun a ses propres limites.
« Il y a des sujets que je ne traiterais pas. Par exemple, je ne parlerai pas de la vie privée de quelqu’un s’il ne l’a pas lui-même rendu public ou si cela ne concerne pas la société dans son ensemble. »
Il considère que Charlie HebdoL’humour brut et parfois méchant de a toujours sa place.
« Il n’y a aucune raison d’arrêter. Et nous ne sommes pas les seuls à utiliser ce type d’humour », dit-il.
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En réfléchissant à la perte de ses collègues lors des attentats de 2015 – dont la psychanalyste Elsa Cayat, le sous-rédacteur en chef Mustapha Ourra et l’économiste Bernard Maris – Biard déclare : « Ils sont toujours parmi nous. Nous les portons en nous et ils sont toujours présents dans les pages du journal.
Avec un modèle économique indépendant, Charlie Hebdo fonctionne sans actionnaires externes ni publicité. « Il vit grâce à son lectorat, c’est assez rare, très rare même », dit Biard.
L’équipe éditoriale, composée de 30 à 40 personnes, collabore avec de nombreux jeunes dessinateurs et journalistes. L’avenir de la publication, dit-il, est de plus en plus entre leurs mains.
« Le futur de Charlie, ce n’est pas Paris, ce n’est pas moi. C’est eux. »
Si l’anniversaire du 7 janvier est une « date fondamentale dans l’histoire du journal », ce sont les jeunes générations qui « feront aussi le Charlie Hebdo de 10 ans plus tard ».
« C’est ce que nous visons, ce à quoi nous réfléchissons et, j’espère, vers où nous allons. »