Le chef du gouvernement désire offrir aux formations politiques l’opportunité d’obtenir des financements par le biais d’organismes publics. C’est une proposition qu’il soutient depuis plusieurs années.
Repenser le financement des partis politiques
L’obstacle que représente l’accès aux prêts bancaires pour les partis politiques continue de susciter le débat. François Bayrou a une fois de plus ravivé l’idée d’une « banque de la démocratie » qui permettrait aux formations politiques de se financer en faisant appel à des « entités publiques » plutôt qu’exclusivement à des acteurs privés. Dans sa déclaration de politique générale faite le mardi 14 janvier, le Premier ministre a exprimé son souhait de voir le financement des partis être moins dépendant des décisions des banques privées, suggérant que cela pourrait être géré par des organismes publics sous contrôle parlementaire.
Cette proposition a été bien accueillie par le Rassemblement national (RN). Dès sa prise de fonction, François Bayrou avait brièvement abordé ce sujet lors de discussions avec les dirigeants du parti, Marine Le Pen et Jordan Bardella. Kevin Pfeffer, trésorier du RN, a déclaré à 42mag.fr que bien que l’intention soit bonne, il subsiste des doutes quant à sa concrétisation. En effet, le parti rencontre régulièrement des difficultés pour obtenir des prêts des établissements bancaires, particulièrement lors des périodes de campagnes présidentielles. Pfeffer souligne que les prêts de particuliers sont proscrits, que des banques comme la Société générale refusent de financer les partis politiques, et que les banques européennes considèrent que ce n’est pas leur rôle.
Médiation pour le crédit aux partis et candidats
Cela fait des années que le Premier ministre soutient l’idée de cette banque dédiée à la démocratie. En 2017 déjà, en tant que ministre de la Justice, il avait plaidé en faveur de sa création, le MoDem ayant connu des problèmes pour assurer le financement de ses campagnes. Cette même année, une modification du cadre législatif avait interdit aux partis et candidats de contracter des prêts auprès de pays étrangers ou de banques hors d’Europe pour financer leurs campagnes. Le gouvernement avait reçu l’aval pour instituer une « banque de la démocratie » par ordonnance, mais le projet n’a finalement pas abouti. Cependant, un intermédiaire pour faciliter l’accès au crédit a été désigné par l’article 28 d’une loi de septembre 2017, comme le mentionne le site du ministère de l’Intérieur.
En juillet 2018, Nicole Belloubet, alors ministre de la Justice, avait fait référence à un rapport des inspections générales des finances indiquant que les difficultés d’accès au crédit étaient moins dues à un manque d’offre qu’à des problématiques d’information ou de délai, pouvant ainsi être adressées par le médiateur du crédit. Nommé dans le contexte de la loi Confiance, ce médiateur avait pour tâche de simplifier les démarches d’ouverture de comptes ou de demandes de prêts pour les mandataires financiers. Toutefois, lors des élections européennes de 2019, le RN a recouru à un « emprunt patriotique », sollicitant des contributions de la population avec un intérêt proposé de 5%, tandis que La France insoumise avait opté pour une campagne d’emprunt populaire sans intérêts. De tels procédés restent interdits pour l’élection présidentielle.
Vers la fin de 2021, Philippe Gosselin, député Les Républicains, mentionne une rencontre avec les chefs de partis, les trésoriers et les candidats pour évaluer la loi Confiance, pendant laquelle il est apparu que divers partis font face à des obstacles pour obtenir des financements nécessaires. Aucun établissement, qu’il soit public ou privé, ne voulait prendre le risque de financer le RN. Déjà à cette époque, Gosselin s’était prononcé en faveur de la mise en place d’une banque pour la démocratie.
Approche sans biais idéologique
En septembre 2021, Marine Le Pen a écrit à Emmanuel Macron afin de mettre en lumière les difficultés rencontrées par nombre de candidats à l’élection présidentielle, représentant parfois des courants de pensée significatifs. Le RN, encore une fois confronté à plusieurs refus, a trouvé une solution en empruntant 10,6 millions d’euros auprès d’une banque hongroise.
Jean-Raphaël Alventosa, le médiateur du crédit, dans un rapport post-électoral, a noté que les relations historiques du parti avec certaines entités financières le desservent encore aujourd’hui, bien que la médiation n’ait pas détecté de biais idéologique dans le traitement de leurs dossiers. Les critères appliqués semblent uniformes. En général, ce sont des banques mutualistes qui ont répondu favorablement aux demandes de prêt des candidats à la présidentielle.
Alventosa a exprimé des réserves concernant l’efficacité d’une « banque de la démocratie », soulignant le risque d’une multiplication excessive de candidats, d’un endettement croissant pour ces derniers et les partis, ainsi que des coûts additionnels pour l’État et les contribuables, avec la possible perception d’interventionnisme partisan. Il soulignait que de nombreuses lois ont déjà été adoptées pour définir avec précision les conditions de financement politique.
De plus, le RN a longtemps été confronté à la difficulté d’obtenir des financements bancaires—en 2014, alors sous le nom de FN, le parti avait sollicité un établissement russo-tchèque. Aujourd’hui, Kevin Pfeffer remarque que les banques évoquent différents arguments concernant la capacité du RN à offrir des garanties, bien que la situation financière du parti s’améliore aujourd’hui.
François Bayrou offrirait-il ainsi une réponse aux dilemmes financiers d’un parti d’extrême droite? Philippe Gosselin estime qu’il s’agit d’une véritable question démocratique. Selon lui, il est regrettable qu’un parti politique français soit contraint de se tourner vers des banques étrangères.
Cet élu envisage de saisir cette occasion pour élaborer une proposition de loi transpartisane. Il évoque notamment le recours à La Banque postale ou à la Caisse des dépôts, qui ont déjà des responsabilités en matière de service public. L’idée serait de renforcer les structures existantes sans créer une nouvelle entité. La question demeure si cette législation se concentrera uniquement sur les élections présidentielles ou si d’autres scrutins seront également couverts par cette facilité d’emprunt. Philippe Gosselin se demande également comment les candidats, à la suite d’une dissolution par exemple, pourraient rapidement réunir les fonds nécessaires pour mener une campagne législative.