Rémy Heitz, qui occupe le poste de procureur général à la Cour de cassation, a exprimé ses inquiétudes quant à l’insuffisance de ressources dans le système judiciaire. Il a souligné que cette situation entraîne des retards de plus en plus importants dans le traitement des affaires criminelles.
« Nous fonçons droit dans le mur », a averti Rémy Heitz le jeudi 9 janvier sur 42mag.fr. Le procureur général près la Cour de cassation plaide pour l’embauche de 1 500 magistrats et un nombre encore plus important de greffiers, dans un contexte où la France ne dispose toujours pas du budget pour l’année 2025. « Actuellement, nous avons 4 000 cas en attente d’être jugés par les juridictions criminelles à travers le pays. Ce nombre était de 2 000 il y a cinq ans », a-t-il souligné avec inquiétude.
Augmentation marquée des dossiers criminels en un lustre
Le chiffre mentionné par Rémy Heitz se retrouve dans le rapport Références Statistiques Justice publié en 2024, incluant les données pour l’année 2023. Plus précisément, 3 968 affaires criminelles restaient non jugées à la fin de 2023, à comparer avec 2 204 à la fin de 2019, soit une différence sur cinq ans.
Il est crucial de distinguer la première instance de la seconde. En effet, plus de 80 % des dossiers criminels se situent dans l’attente d’un premier jugement devant une cour d’assises ou une cour criminelle, totalisant 3 346 affaires. Un nombre plus restreint de dossiers, soit 622, doivent passer en appel. Cette augmentation dans le stock des affaires en attente est principalement due à un embouteillage dans les cours d’assises et les cours criminelles, où le nombre d’affaires a doublé en cinq années, tandis que celui des cours d’assises d’appel n’a connu qu’une légère croissance.
La justice pénale doit faire face à ce que le rapport Rendre justice aux citoyens, publié en avril 2022 à la suite des états généraux de la justice, qualifie de « paradoxe ». En 2023, les cours d’assises ont rendu 2 999 verdicts en première instance ou en appel, un chiffre qui se rapproche des 2 984 décisions prises en 2005, soit 20 ans auparavant. Cependant, en 2019, le nombre de jugements prononcés par les cours d’assises avait chuté d’un quart par rapport à 2005, alors même que le nombre de nouveaux dossiers entrant dans ces tribunaux avait augmenté de 17 %.
Le rapport mentionnait que « si le volume des dossiers a baissé, les sessions d’assises se sont étendues en nombre de jours, illustrant ainsi la complexité croissante des affaires examinées ».
Attente prolongée avant un jugement criminel
L’engorgement des juridictions criminelles entraîne une augmentation des délais de jugement. « Les délais s’allongent et ne sont plus maîtrisés », a déploré Rémy Heitz, soulignant le risque que représentent « la remise en liberté de personnes à risque ».
D’après l’annexe 30 au projet de loi de finances de 2023, dédiée à la justice, les temps d’attente pour être jugé en cour d’assises se sont effectivement accrus ces dernières années. Ils s’élevaient à 49,4 mois en 2021, alors qu’ils étaient de 47 mois en 2020. Entre 2005 et 2021, ces délais se sont allongés de 15 mois, d’après le rapport Rendre justice aux citoyens. En d’autres termes, en 2005, une affaire criminelle nécessitait moins de trois ans pour passer devant une cour d’assises, tandis qu’en 2021, elle prenait plus de quatre ans.
Néanmoins, notons que les délais sont plus courts pour les délits jugés dans les tribunaux correctionnels. Il faut compter en moyenne neuf mois en 2023, d’après le rapport « Références Statistiques Justice », entre la découverte de l’infraction par les autorités et le premier jugement sur le fond.
Cependant, cette durée est une moyenne. Certaines procédures, comme la comparution immédiate, peuvent être bien plus rapides, tandis que d’autres, comme celles nécessitant un renvoi au tribunal par un juge d’instruction, peuvent être beaucoup plus longues. Pour les délits les plus graves, il faut attendre plus de quatre ans en moyenne pour qu’ils soient jugés. Ce délai a aussi augmenté ces dernières années, s’élevant à environ trois ans en 2013 pour ce type de délit. En somme, plus l’infraction est sérieuse et complexe, plus le temps de traitement est long.
La seule exception à cette règle concerne les affaires qui sont classées sans suite. Ironiquement, celles-ci peuvent prendre encore plus de temps à être conclues.