Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national d’extrême droite, est décédé mardi à l’âge de 96 ans. Le Pen a été souvent mêlé à des batailles juridiques à cause de ses propos racistes, antisémites et homophobes, et a finalement été expulsé du le parti qu’il a fondé, qui est depuis passé des marges au courant dominant de la vie politique française.
Au cours de ses soixante années de carrière politique, marquées par cinq élections présidentielles, Jean-Marie Le Pen a ressuscité l’extrême droite française, auparavant déshonorée par sa collaboration avec le régime nazi.
Il reste à la tête du Front national, parti qu’il a cofondé en 1972, jusqu’en 2011, date à laquelle il passe les rênes à sa fille, Marine Le Pen.
Mais ses positions racistes et antisémites le rendaient désagréable pour une extrême droite renouvelée, et le parti l’a expulsé en 2015 parce qu’il avait répété des commentaires, formulés pour la première fois en 1987, selon lesquels les chambres à gaz nazies étaient un « détail de l’histoire ».
De l’Algérie à la France
Né en Bretagne, à La Trinité-sur-Mer, en 1928, Le Pen est entré en politique relativement tôt dans sa vie.
Après des études de droit et de sciences politiques à Paris, il s’engage dans l’armée en 1954 et part en Indochine.
De retour à Paris, distinction du populiste Pierre Poujade, Le Pen a été élue au Parlement en 1956, devenant ainsi le plus jeune membre de l’Assemblée nationale.
À la fin de cette année-là, il retourne en Algérie, où il sert dans l’armée de fin 1956 à avril 1957, au plus fort de la bataille d’Alger.
Le Pen a été accusé d’avoir torturé des Algériens, ce qu’il n’a guère tenté de cacher à l’époque.
«Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce que cela devait être fait », a-t-il déclaré dans une interview en 1962 au Combat journal, qu’il a ensuite rectifié, affirmant qu’il avait utilisé des « méthodes de coercition » et non de torture.
Des décennies plus tard, il en est venu à nier avoir eu recours à la torture et a intenté plusieurs poursuites judiciaires contre quiconque l’insinuait.
Unifier l’extrême droite française
Le Pen a dirigé la campagne présidentielle de 1965 de l’avocat d’extrême droite Jean-Louis Tixier-Vignancour, et il a travaillé à consolider les différents mouvements d’extrême droite en France.
En 1972, il est nommé à la tête d’un nouveau parti appelé le Front national pour l’unité françaiseconnu sous le nom de Front nationalou Front National (FN).
Le Pen s’est présenté pour la première fois à la présidence en 1974 et a fait son chemin dans la politique française – devenant millionnaire en cours de route, après avoir hérité d’un manoir en 1976.
En 2002, en s’appuyant sur un programme de « préférence nationale » et en promettant d’expulser immédiatement « tous les immigrés illégaux », Le Pen a remporté plus de voix que le Premier ministre socialiste Lionel Jospin, se qualifiant ainsi pour le second tour des élections.
Montée du parti, chute de l’homme
Ce résultat surprenant a amené des millions de personnes à descendre dans la rue pour protester contre le racisme et contre Le Pen, son incarnation politique. Il a été battu par le candidat conservateur Jacques Chirac.
Cela a marqué le début de l’ascension du parti, alors même que la carrière politique de Le Pen commençait à plonger.
Marine Le Pen a pris la tête du FN et a commencé à essayer de le rendre acceptable à une circonscription plus large, dans un processus qu’elle a appelé dé-diabolisationou dé-diabolisation.
Cependant, son père n’était pas d’accord avec cette approche et est resté fidèle à lui-même, continuant à adopter des discours antisémites et autres discours de haine.
En 2015, après avoir réitéré sa position contre les chambres à gaz, le parti décide de limoger son fondateur, l’expulsant du parti l’année suivante.
Acceptation à contrecœur
Le Pen est resté amer sur la façon dont le parti était dirigé et n’a jamais pardonné à sa fille d’avoir changé le nom du Rassemblement national en 2018. Il a quitté le Parlement européen en 2019 et s’est progressivement retiré de la vie publique.
Soucieux de perpétuer son héritage, Le Pen a écrit le premier volume de ses mémoires en 2018 : Fils de la nation (Fils de la nation), qui s’est vendu avant même sa mise en vente.
Il a créé l’Institut Jean-Marie Le Pen en août 2020 pour héberger les archives de l’extrême droite.
La famille d’abord
Les Le Pens ont accepté de cesser de débattre en public au printemps 2023, après que Jean-Marie ait été victime d’une crise cardiaque.
Un an plus tard, il fut placé sous la tutelle de ses filles, ce qui signifie qu’elles prendraient les décisions juridiques à sa place. Cela remet en question sa capacité à être jugé dans l’affaire impliquant des assistants parlementaires travaillant pour le Rassemblement national au Parlement européen.
Son cas a fini par être séparé de celui de sa fille et des autres dirigeants du parti, après qu’un expert médical a conclu qu’il n’était pas en mesure de préparer sa propre défense.
Le Pen est décédé dans un hôpital de Garches, près de Paris, où il avait été admis il y a plusieurs semaines, selon sa famille.
Il laisse dans le deuil sa seconde épouse, Jany Le Pen, trois filles – dont Marine est la plus jeune – ainsi que huit petits-enfants. L’une de ses petites-filles, la femme politique Marion Maréchal Le Pen, a quitté le Rassemblement national pour fonder son propre mouvement d’extrême droite.