Les allégations formulées par l’actrice avaient provoqué une véritable onde de choc dans l’industrie cinématographique, marquant le début du mouvement #MeToo en France. En décembre, le ministère public avait demandé une peine de cinq ans d’emprisonnement, dont trois avec sursis, la partie ferme devant être purgée sous surveillance électronique.
Christophe Ruggia face à la justice
Après un procès devant le tribunal correctionnel de Paris il y a deux mois, le réalisateur Christophe Ruggia, âgé de 60 ans, a été déclaré coupable d’agressions sexuelles sur l’actrice Adèle Haenel, alors mineure. Le lundi 3 février, il a été condamné à quatre ans de prison, dont deux fermes à purger à domicile sous bracelet électronique. Lors du réquisitoire en décembre, le parquet avait demandé cinq ans de prison, dont deux avec un aménagement de peine sous la forme d’un bracelet électronique.
L’impact de l’affaire sur le monde du cinéma
Cette affaire a profondément secoué l’industrie cinématographique et a été un catalyseur pour le mouvement #MeToo en France. Les agressions dénoncées par Adèle Haenel, d’abord révélées publiquement dans Mediapart en 2019 avant d’être portées devant la justice, avaient commencé chez Ruggia après le tournage du film « Les Diables » en 2001, sous prétexte de préparer la promotion du film. Ces agressions ont perduré pendant deux ans, presque chaque samedi après-midi, alors qu’Adèle Haenel était en quatrième et troisième.
Le témoignage poignant à la barre
Lors de son témoignage les 9 et 10 décembre, Adèle Haenel, qui s’est depuis retirée du cinéma, a décrit comment les agressions se déroulaient de manière systématique. Assise sur le canapé, Ruggia s’approchait sous prétexte de conversations sympathiques, en lui disant qu’elle était « trop drôle », avant de glisser ses mains sous son t-shirt ou dans son pantalon. Après ces moments, qui s’accompagnaient toujours des mêmes goûters – des « Fingers blancs et de l’Orangina » –, il la raccompagnait chez ses parents.
Face à l’audience, Adèle Haenel, droite et souvent nerveusement tendue, a tenté de mettre des mots sur la difficulté de s’extraire de cette situation. Christophe Ruggia, de son côté, estimait avoir « créé » l’actrice, clamait qu’il n’avait « pas eu de chance de tomber amoureux d’elle » et la qualifiait d' »adulte dans un corps d’enfant ». Il a aussi affirmé qu’il n’avait « jamais » été attiré par elle et qualifié les accusations de « vengeance » parce qu’il ne l’avait pas refait tourner. D’après lui, il était simplement la cible tombant au mauvais moment pour l’initiation d’un #MeToo français.
Un moment de colère dans la salle d’audience
Durant le procès, Adèle Haenel, qui avait gardé sa colère presque contenue malgré les dénégations répétées de Ruggia, a fini par exploser lors de la seconde journée, en criant « mais ferme ta gueule ! » tout en frappant sur la table, laissant l’audience stupéfaite.
La défense et la plaidoirie
Christophe Ruggia se justifiait en affirmant avoir voulu protéger Haenel des répercussions du film en lui suggérant d’utiliser un « nom d’emprunt ». Dans sa plaidoirie, Anouck Michelin, l’avocate de l’actrice, a accusé Ruggia de salir la réputation de sa cliente. Elle a choisi de mettre en lumière la « colère » de la jeune Haenel. S’adressant à la petite Adèle de 12 ans, elle l’a assurée qu’elle n’avait rien fait de mal et que son talent ne serait pas oublié.
De leur côté, les avocats de Ruggia ont rejeté les accusations d' »amour amoureux » portées contre lui et ont parlé d’un « effet de contamination » entre les témoins, à cause de la médiatisation du cas. L’avocate Fanny Colin a exprimé sa crainte que la justice soit rendue sous pression. Après deux journées éprouvantes, Adèle Haenel a quitté la salle du tribunal sous les applaudissements.