Emmanuel Macron pourrait prendre la parole lundi soir, après avoir rencontré l’ensemble des formations politiques. Néanmoins, les discussions qui ont eu lieu vendredi ont clairement montré que le fait de donner des postes ministériels à des membres de La France insoumise constituait un obstacle significatif dans les négociations.
La situation semble complexe. Alors que les discussions politiques se sont engagées vendredi 23 août à l’Élysée dans le but de désigner un Premier ministre, l’éventualité de voir Lucie Castets accéder à Matignon s’éloigne de plus en plus après les premiers échanges entre Emmanuel Macron et les divers représentants des différents blocs. Pour rappel, l’énarque de 37 ans, chargée des finances de la ville de Paris, a été désignée par le Nouveau Front Populaire (NFP), qui a remporté le plus de sièges lors des élections législatives intervenues suite à la dissolution décidée par le président (182 sièges). Toutefois, le président de la République semble déterminé à ne pas céder les rênes du gouvernement au NFP et à sa prétendante.
Les responsables de la coalition de gauche, les premiers à être accueillis au palais vendredi matin, exprimaient un optimisme prudent à l’issue d’une rencontre d’environ une heure et demie avec Emmanuel Macron, qui a été menée principalement par Lucie Castets. Cette dernière a noté, dans L’Humanité, une évolution dans l’attitude du président, qui avait écarté sa nomination d’un revers de main fin juillet, attribuant la décision à la période suivant les Jeux olympiques. « Il semble reconnaître que les Français aspirent à un changement après sept années de politique. » Il a admis la nécessité d’une clarification qu’il avait lui-même demandée lors de la dissolution, a commenté l’éventuelle Première ministre. Emmanuel Macron, de son côté, a déclaré à son entourage avoir eu un échange « courtois et respectueux » avec la délégation du NFP.
Les appréhensions face aux remaniements répétés et à une nouvelle dissolution
Lucie Castets a néanmoins noté une certaine réticence de la part du président concernant la convention qui consiste à « nommer un Premier ministre issu de la formation politique ayant obtenu le plus de voix » lors des élections. « Le président a agi non pas en tant qu’arbitre des institutions, comme le stipule notre belle Constitution, mais en tant que sélectionneur. » Il « semble vouloir composer lui-même son gouvernement », a-t-elle déclaré vendredi soir à Montpellier (Hérault) lors de la rentrée politique du Parti communiste français.
Le repas qu’Emmanuel Macron a pris avec les responsables de son camp, vendredi midi, semble avoir mis à mal la perspective de nommer Castets. Selon des sources présentes rapportées par l’AFP, le président a indiqué rechercher « une solution stable sur le plan institutionnel » face à une « configuration inédite » à l’Assemblée nationale. L’objectif est d’« éviter une nouvelle dissolution » dans un an, selon les explications de Gabriel Attal, le Premier ministre sortant, dans un message adressé aux élus de son groupe, que l’AFP et 42mag.fr ont consulté.
En effet, l’investiture de Lucie Castets et, par conséquent, celle de ministres issus de La France insoumise (LFI) pourrait, d’après le camp présidentiel, engendrer une succession de remaniements et donc d’instabilité.
Le « point de blocage » des ministres issus de La France insoumise
Emmanuel Macron a soulevé la question délicate lors de ce déjeuner : dans l’hypothèse d’un gouvernement du NFP, la présence de ministres de LFI serait-elle acceptable pour son camp ? La réponse est vite tombée : non. « Tous les groupes du bloc central » ont exprimé leur volonté d’adopter une motion de censure dans ce cas, a indiqué Gabriel Attal à ses collègues. « Comment soutenir, sans désaccord, un ministre de l’Intérieur qui traite nos policiers de barbares ? Un ministre de l’Agriculture qui qualifie nos agriculteurs de pollueurs ? Ou un ministre de l’Économie qui présente nos entrepreneurs comme des bandits ? Et ainsi de suite. »
« Pour la grande majorité des parlementaires qui se sont exprimés, un gouvernement disposant du programme du NFP, donc de LFI, et comprenant des ministres de LFI, est inacceptable. » a renchéri auprès de l’AFP le président du MoDem, François Bayrou. « Nous sommes prêts. » a tweeté pour sa part le député Renaissance d’Eure-et-Loir ainsi que ministre délégué au Logement démissionnaire, Guillaume Kasbarian, en partageant l’image d’une motion de censure, en réponse à un message de Lucie Castets.
Nous sommes prêts. https://t.co/k7wyTPCPZ4 pic.twitter.com/t5pcVu8mf7
— Guillaume Kasbarian (@guillaumekasba) 23 août 2024
De son côté, Laurent Wauquiez a assuré que les députés Les Républicains voteraient « immédiatement une motion de censure » contre tout gouvernement incluant des membres de LFI. Cette position a également été adoptée par le Rassemblement national, qui l’a déjà exprimée. Pour le groupe centriste Liot, dont les voix sont recherchées, LFI constitue également « un point de blocage. », a précisé son coprésident Stéphane Lenormand, sans toutefois se prononcer sur une motion de censure.
Un gouvernement sans LFI impensable pour Lucie Castets
Cependant, pour Lucie Castets, la constitution d’un gouvernement sans la présence d’insoumis apparaît difficilement envisageable. La haute fonctionnaire a d’ailleurs rejeté cette possibilité lors de son interview avec L’Humanité.
« Toutes les forces du NFP seront représentées dans ce gouvernement. (…) Les nominations des ministres dépendront de leurs compétences et de leur engagement. »
Lucie Castetsdans « L’Humanité »
La possibilité d’une exclusion définitive de Lucie Castets après ces pourparlers provoque une vive réaction de la gauche. « Une telle décision constituerait une atteinte au résultat des élections législatives. » a averti le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, promettant lui aussi de déposer une motion de censure et d’engager des procédures de destitution. Dans un texte publié le 17 août dans La Tribune Dimanche, le mouvement a déjà prévenu de l’intention d’engager cette procédure contre le président en raison de son refus « de reconnaître » les résultats des législatives. « C’est un autocrate qui dirige tout seul. » a lancé Jean-Luc Mélenchon en ouverture des universités d’été de LFI, vendredi soir.
Un déblocage de la situation en faveur de Lucie Castets semble peu probable. Emmanuel Macron doit continuer ses discussions lundi avec Marine Le Pen et Éric Ciotti, ainsi qu’avec les présidents du Sénat, Gérard Larcher, et de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, tous aussi opposés à un accord avec LFI.
Le président pourrait s’exprimer lundi soir, selon ce que plusieurs participants aux consultations ont confié à France Télévisions. Néanmoins, selon un membre du NFP contacté par l’AFP, il se donnerait jusqu’à mercredi soir, avant les Jeux paralympiques, pour prendre une décision.