Le nombre de voitures neuves vendues a diminué de 3,2% comparé à l’année 2023. Selon les experts consultés, le secteur de l’automobile est actuellement « à un tournant décisif ».
En France, le secteur automobile traverse une période tumultueuse. Les statistiques publiées par la Plateforme automobile le 1er janvier 2024 révèlent une année difficile pour cette industrie. La situation des voitures électriques préoccupe particulièrement, surtout avec l’approche de l’interdiction de vente des véhicules thermiques neufs par l’Union européenne prévue pour 2035. Franceinfo vous dévoile les raisons de cette situation préoccupante.
Les ventes en déclin
En 2024, la vente de voitures neuves en France a diminué de 3,2 % par rapport à l’année précédente, selon la Plateforme automobile (PFA), qui rassemble les constructeurs et les principaux équipementiers. En tout, 1 718 416 voitures particulières ont été enregistrées l’année passée, contre 1 774 729 en 2023, une année qui avait pourtant montré des signes positifs.
Marie-Laure Nivot, responsable « intelligence marché » chez AAA Data, une entreprise spécialisée dans l’analyse du marché, a déclaré que l’année a été marquée par un premier semestre prometteur suivi d’un deuxième semestre chaotique en raison des incertitudes politiques et économiques. Comparé à 2019, dernière année avant la pandémie, on observe une diminution de 22 %, selon l’AFP. D’après l’économiste Bernard Jullien, expert de l’industrie automobile, ces résultats soulignent également les difficultés des constructeurs à proposer des prix compétitifs.
En examinant les détails, les ventes de véhicules électriques pour particuliers ont régressé de plus de 2,4 % en 2024 (291 143 contre 298 525 en 2023), avec une baisse notable en fin d’année, malgré une hausse de 47 % entre 2022 et 2023. Les ventes de véhicules thermiques, incluant essence et diesel, ont également chuté, de 813 312 à 632 709. Cependant, les SUV, souvent critiqués pour leur impact environnemental, ont connu une situation plus favorable, selon le rapport de l’année du cabinet AAA Data. Les hybrides poursuivent également leur progression, passant de 595 251 à 735 288 véhicules vendus.
À l’échelle européenne, sur les onze premiers mois de l’année, le marché a connu une légère hausse de 0,4 % par rapport à l’année précédente, selon l’Association européenne des constructeurs automobiles, citée par l’AFP. Toutefois, la vente de véhicules électriques y a diminué de 5,4 %, ne représentant plus que 13,4 % des nouvelles immatriculations.
Les annonces de suppressions d’emplois et la crainte de futures réductions
Alors que le secteur automobile traverse une période de turbulence, les travailleurs des grands groupes subissent également les répercussions. Bernard Jullien, économiste, anticipe que si 2024 devient la nouvelle norme en matière de ventes après les rebonds de 2022 et 2023, il pourrait y avoir un déficit de 400 000 à 500 000 véhicules vendus en France, et 2,5 millions sur le plan européen, par rapport à la période pré-Covid. Cette situation pourrait accélérer les restructurations déjà en cours, mettant l’industrie à un moment critique.
En France, 2024 a été marquée par plusieurs plans de réduction d’effectifs parmi les sous-traitants automobiles. Le passage progressif à l’électrique, nécessitant moins de main-d’œuvre, exacerbe ces réductions. Michelin a annoncé la fermeture de deux sites, mettant en péril 1 250 postes. Valeo prévoit de supprimer près de 1 000 emplois répartis sur huit sites en France. La Fonderie de Bretagne, dépendante à 95 % de Renault, fait face à une possible fermeture, menaçant 350 emplois.
En Europe, Ford prévoit la suppression de 4 000 emplois supplémentaires d’ici fin 2027, principalement en Allemagne et au Royaume-Uni. Schaeffler prévoit de supprimer 4 700 emplois répartis sur 15 sites en Europe, dont dix en Allemagne. Fin décembre, Volkswagen, le principal constructeur automobile européen, a annoncé son intention de réduire de 35 000 postes en Allemagne d’ici 2030, une mesure visant à diminuer les coûts et améliorer sa compétitivité. L’accord prévoit cependant d’éviter les fermetures d’usines et les licenciements forcés, principalement en misant sur des départs à la retraite non remplacés.
Les défis de la transition vers l’électrique
Le secteur des véhicules électriques rencontre plusieurs obstacles, principalement liés aux coûts élevés. Une étude réalisée en 2023 par l’Observatoire Cetelem soulignait que la différence de prix entre un véhicule thermique et son équivalent électrique pouvait dépasser les 10 000 euros, en prenant l’exemple de modèles français.
Parallèlement, le bonus écologique pour les voitures électriques a été réduit. Début décembre, l’aide maximale a été abaissée de 7 000 à 4 000 euros pour les foyers les plus modestes. En outre, alors que le « leasing social » est censé être renouvelé pour les ménages modestes, le gouvernement a supprimé la prime à la conversion par décret. Cette réduction des aides pourrait freiner l’achat de voitures électriques, d’après Clément Molizon, délégué général de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France), soulignant qu’un acheteur potentiel sur deux renoncerait à l’achat sans ces aides.
Cette situation défavorable survient cependant à un moment crucial pour les fabricants. En préparation à l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves au sein de l’Union européenne d’ici 2035, ils doivent, dès cette année, baisser les émissions de gaz à effet de serre de leurs véhicules vendus, sous peine de lourdes sanctions financières. Pour atteindre ces objectifs, les constructeurs français sont contraints de vendre 22 % de voitures électriques, contre seulement 16,9 % actuellement. Cela constitue un défi majeur, selon Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile, rapporté par l’AFP. L’industrie européenne, bien que sous la pression croissante de la concurrence chinoise, peut néanmoins voir d’un œil positif la mise en place d’une surtaxe allant jusqu’à 35 % sur les voitures électriques importées de Chine, ce qui pourrait aider à protéger un secteur déjà en grande difficulté.