Les appels restent sans réponse avec des personnes sans haut niveau de français et des résidents âgés particulièrement défavorisés
D’importants services publics en France sont trop souvent inaccessibles par téléphone et les personnes qui ne parlent pas bien le français font partie des personnes particulièrement touchées, a déclaré une association de consommateurs.
L’association 60 millions de consommateursDans une étude conjointe avec la Défenseure des droits (voir ci-dessous)ont constaté que les appels téléphoniques vers des services publics cruciaux restent souvent sans réponse et que même ceux qui reçoivent une réponse sont souvent incapables de fournir des réponses précises aux questions.
Co-auteur de l’étude, le journaliste Lionel Maugain, a déclaré AFP: « Malheureusement, les personnes qui ne sont pas à l’aise avec Internet ont des difficultés à accéder aux informations sur leurs droits. »
Il a dit que cela concernait surtout les personnes âgées, les personnes en situation économique précaire ou qui ne parlent pas couramment le français.
L’étude a porté sur 1 532 appels passés, entre le 26 septembre et le 10 novembre 2022. Les appelants représentaient l’un des trois types d’utilisateurs :
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Un sans internet
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Un avec internet mais avec un mauvais français
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Une personne âgée avec internet
L’étude avait également un «contrôle», qui était une personne d’âge moyen (ni particulièrement jeune ni âgée), ayant accès à Internet et parlant couramment le français, pour voir si elle recevait une différence de traitement ou d’accès.
Quelques changements positifs ont été notés depuis la dernière étude de ce genre en 2016. Par exemple, les appels n’étaient plus surtaxés et la plupart des répondeurs étaient polis. Aucune discrimination majeure envers les appelants, ou leurs origines, n’a été relevée.
Assurance-maladie
Les résultats ont montré que l’Assurance maladie était parmi les moins performants.
Sur 302 appels passés pour renouveler une Carte vitale, 72 % sont restés sans réponse (trois appels sans réponse, avec plus de cinq minutes d’attente chacun). Seuls 22% des appels ont abouti à « une réponse acceptable », et moins de 5% ont abouti à des « réponses précises », a précisé M. Maugain.
Caisse d’allocations familiales (CAF)
Sur 408 appels concernant le logement familial, 54 % sont restés sans réponse. Et, parmi les appels auxquels on a répondu, ils ont principalement fourni des réponses non concluantes ou ont dit aux appelants d’aller en ligne. Seule une minorité de répondants ont suggéré que l’appelant prenne un rendez-vous en personne ou s’arrange pour qu’un formulaire papier soit envoyé.
M. Maugain : « Des solutions existent, mais elles sont très rarement proposées. Cela plonge les utilisateurs dans le désarroi et peut même les empêcher d’accéder à leurs droits.
Pôle emploi
L’agence de chômage s’en est mieux tirée lorsqu’il s’agissait de répondre aux appels, avec 84% de réponses. Cependant, ceux-ci ont toujours abouti à des réponses moins que précises à la plupart des questions, a montré l’étude.
Caisse d’assurance retraite
Ici, 72 % des appels à cet organisme de retraite ont été répondus. Cependant, les questions sur l’âge possible auquel l’appelant pourrait prendre sa retraite (avant toute réforme) n’ont pas été posées dans l’écrasante majorité des cas.
Luttes post-pandémiques
De nombreuses agences ont déclaré avoir eu du mal à recruter suffisamment de personnel pour les centres d’appels depuis la pandémie. Par exemple, l’Assurance maladie a indiqué que le nombre d’appels qu’elle recevait désormais avait doublé par rapport à l’automne 2019, pour atteindre 3,2 millions par mois.
Claire Hédon, la Défenseure des droits, a déclaré à RMC : « Quand tu n’as pas de réponse, tu abandonnes, c’est ce qu’on appelle un appel raté. »
Appels pour les services au comptoir avec des personnes qui les occupent
Mme Hédon est, avec 60 millions de consommateursréclamant une loi qui imposerait aux services publics de proposer plusieurs modes d’accès, dont la mise en place d’un guichet de proximité avec un représentant réel de chaque organisme.
Ils réclament également l’envoi d’avis papier pour toutes les notifications relatives aux droits, ainsi que la fin de l’usage du jargon.
« Galaxie de l’incompréhension »
M. Maugain a ajouté que les agences doivent « s’adapter à l’utilisateur et non l’inverse… car même si vous avez Internet, vous pouvez rencontrer des problèmes et vous retrouver dans une galaxie d’incompréhension ».
Le problème est encore plus grave dans le contexte des 15 % de Français qui n’ont pas accès à Internet à la maison et des 28 % qui ne sont pas capables de trouver ce dont ils ont besoin en ligne.
Même certains jeunes ont du mal à le faire, et les problèmes ne concernent pas seulement les personnes âgées, a déclaré l’association.
La « numérisation » de nombreux services publics en France suscite depuis longtemps polémiques et détracteurs. Mme Hédon a demandé à plusieurs reprises que les processus Internet pour les services publics restent « un supplément » aux options papier et téléphonique, car les personnes âgées et les étrangers ne possédant pas un niveau élevé de français peuvent avoir des difficultés en ligne.
Au début de l’année dernière, Mme Hédon a déclaré dans une interview : « La numérisation des services est bonne pour beaucoup de gens car elle simplifie les choses mais elle n’est pas bonne pour tout le monde ».
Environ 250 services jugés « essentiels pour la vie quotidienne en France » sont disponibles en ligne, allant de la déclaration d’impôts au vote depuis l’étranger, en passant par l’inscription au collège ou au lycée ou la demande d’autorisation pour couper des arbres.
Mais il y a un an, le cabinet de Mme Hédon publiait un rapport dans lequel elle prévenait que la numérisation des services publics crée des inégalités d’accès.
Le rapport a qualifié la numérisation d' »attaque contre le principe de l’égalité d’accès aux services publics » et a déclaré qu' »il y a des gens pour qui cela rend la vie plus difficile, et cela devient un obstacle ».
« Il risque de mettre en danger notre sens de la cohésion sociale, notre appartenance commune, et court le risque d’affaiblir la participation démocratique, sous toutes ses formes », a-t-il déclaré.
Qu’est-ce que le « Défenseur des droits » français ?
La Défenseure des Droits est le chef de file de l’instance qui, comme son nom l’indique, vise à défendre les droits et libertés de la population en matière d’égalité, d’éthique et de sécurité.
Il s’agit d’un organe administratif indépendant de type ombudsman qui a le pouvoir d’enquêter sur les plaintes du public concernant des cas où ils ont estimé que leurs droits ou leur liberté juridique avaient été compromis.
Il existe pour défendre les droits individuels en matière d’usagers des services publics, les droits des enfants, le respect de l’éthique par des organismes tels que la police, les lois anti-discrimination et la protection des lanceurs d’alerte.
Il peut faire des recommandations de solutions, y compris en matière de formation, et de modifications de la loi.
Le Défenseur titulaire est nommé par le Président de la République, mais ne reçoit aucun ordre du gouvernement.
Claire Hédon est une journaliste et avocate qui a été nommée à son poste actuel en 2020. Elle a été précédée dans ce rôle par l’homme politique français Jacques Toubon.
Quelles ont été vos expériences d’accès aux services publics en ligne en France, bonnes ou mauvaises ? Faites-le nous savoir à news@connexionfrance.com.