Après des mois de grave sécheresse, les autorités du département français d’outre-mer de Mayotte ont ordonné la fermeture des robinets deux jours sur trois. L’archipel insulaire de l’océan Indien connaît sa pire période de sécheresse depuis près de 30 ans.
À compter du 4 septembre, l’approvisionnement en eau de Mayotte sera coupé 48 heures sur 72, laissant aux habitants seulement 24 heures pour utiliser leur robinet tous les trois jours.
Ces réductions sont les mesures les plus récentes et les plus extrêmes prises en réponse à la pire sécheresse qu’ait connue Mayotte depuis au moins 1997.
Mayotte, le département le plus pauvre de France, manque dangereusement d’eau depuis plus de trois mois maintenant.
Les rares précipitations ont entraîné des niveaux exceptionnellement bas dans les réservoirs des îles, dont elles dépendent pour traverser les mois secs de mai à novembre.
À la fin de la saison des pluies de cette année, les deux principaux réservoirs étaient à moitié pleins. En comparaison, au même moment en 2022, ils étaient remplis à environ 98 pour cent.
Problèmes structurels
Les infrastructures hydrauliques de Mayotte sont également confrontées à des problèmes chroniques qui exacerbent les pénuries.
Environ un quart de l’approvisionnement est perdu à cause de fuites et d’autres problèmes de distribution, a déclaré à 42mag.fr en mai le directeur général des services de la société des eaux SMAE de Mayotte, Ibrahim Aboubacar.
Et l’interruption intermittente de l’approvisionnement, comme l’île est obligée de le faire pour gérer les pénuries, ajoute à la pression sur les canalisations vieillissantes.
Les investissements dans le réseau d’eau de Mayotte n’ont pas suivi le rythme de la demande, explique Aboubacar, qui augmente d’environ 2 000 mètres cubes par an à mesure que la population augmente.
Environ 30 pour cent de la population – au moins 100 000 habitants sur 300 000 – n’a pas accès à l’eau courante à la maison, notamment les milliers de personnes vivant dans les bidonvilles surpeuplés de l’île principale.
Ces ménages dépendent plutôt de la collecte de l’eau non traitée, ce qui les expose à des risques pour leur santé, ou siphonnent l’approvisionnement via des raccordements illégaux, laissant encore moins aux clients payants.
Coupes roulantes
Même les personnes raccordées au système ne peuvent pas compter sur un accès constant à l’eau.
Les derniers mois ont été marqués par des réductions progressives, de plus en plus longues et fréquentes à mesure que l’été avançait. En mai, les robinets étaient fermés trois soirs par semaine ; en juin, elle est passée à quatre nuits, qui en juillet sont devenues sept nuits dans les zones les plus fréquentées et trois jours partout ailleurs.
Selon le dernier planning annoncé par la préfecture le 24 août, l’eau sera coupée à 16 heures sur tout le département et reprendra 48 heures plus tard. Dans la capitale Mamoudzou et dans certaines autres zones clés, les robinets seront fermés cinq soirs par semaine de 16h à 8h et pendant 36 heures d’affilée une fois par semaine.
Désormais, les habitants sont habitués à remplir des bouteilles, des seaux, des bacs et autres récipients pour mieux voir les coupures.
« Si nous rentrons à la maison après que l’eau a été coupée, nous nous lavons avec les bouteilles que nous avons stockées », a déclaré en mai Rachdah Charifoudine, qui vit à Mamoudzou, à l’AFP.
« Ce n’est pas pratique, mais nous n’avons pas le choix. »
À la recherche de solutions
La SMAE affirme effectuer la maintenance du système d’eau de Mayotte, traquant les fuites nécessitant une réparation. Des travaux ont également commencé pour rechercher des sources souterraines inexploitées.
Les autorités ont confirmé cette semaine avoir donné le feu vert à la construction d’une deuxième usine de dessalement et d’un autre réservoir, et entre-temps elles mènent des interventions d’urgence qui, espèrent-elles, généreront des réserves d’eau supplémentaires avant la fin de l’année.
Ils comprennent l’installation de plusieurs machines de traitement de l’eau de mer par osmose inverse, allant de petits appareils produisant jusqu’à 70 mètres cubes d’eau potable par jour, à une version à grande échelle, qui sera installée sur la côte ouest de l’île principale et qui, à terme, produire 1 000 mètres cubes par jour.
Les ONG participent également aux efforts visant à fournir de l’eau potable à Mayotte, où les pénuries poussent les populations à se tourner vers une eau non traitée, malgré le danger pour leur santé.
L’eau contaminée est un facteur majeur d’épidémies de maladies comme la typhoïde, bien plus répandues à Mayotte qu’en France métropolitaine, a déclaré à 42mag.fr Anthony Bulteau, de l’association de développement Solidarités International.
Son groupe a testé un système de pompe et de filtre portable qui permet de traiter l’eau de la rivière dans un seau pour un usage domestique. Le processus élimine plus de 99 pour cent des bactéries, explique Bulteau.
Les autorités sanitaires de Mayotte ont lancé cette semaine une campagne de vaccination contre la fièvre typhoïde et surveillent les cas de maladies d’origine hydrique, hépatite A, choléra et polio.
« Cette crise de l’eau ne doit pas devenir une crise sanitaire », a prévenu le directeur de l’agence régionale de santé de Mayotte, Olivier Brahic.