Cette semaine, Thierry Fiorile et Matteu Maestracci nous présentent les nouveaux films à voir en salle : « La zone d’intérêt » réalisé par Jonathan Glazer et « La ferme des Bertrand » mis en scène par Gilles Perret.
Le territoire d’intérêt de Jonathan Glazer
Rudolf Höss, c’est son nom, était un haut rang militaire lors de l’avènement de la solution finale de l’Allemagne nazie, qui prévoyait l’extermination des juifs. Il est désigné à la tête du camp d’Auschwitz, avec sa famille il s’installe dans une maison de fonction confortable avec jardin, à proximité du camp. De l’usine de mort qu’est le camp, rien n’est visible sauf au loin, une cheminée crachant une fumée lugubre. Les cris, les tirs, les ordres en allemand sont les seuls échos qui nous parviennent.
Au coeur du film, la femme de cet administrateur de la terreur, interprétée par Sandra Hüller, probablement surréaliste vu le rôle, (également connue pour son rôle dans L’Anatomie d’une chute ). L’épouse et mère se complaît dans leur maison et soigne son jardin. Son indifférence glaciale vis-à-vis du génocide en cours transparaît.
Jonathan Glazer réussit à raconter cette histoire hors du commun, du côté obscur, à travers le mur qui sépare le camp. Un défi cinématographique que remplit Le territoire d’intérêt , inconfortable pour le spectateur mais nécessaire. Glazer observe plus qu’il ne dirige ses acteurs dans leurs rôles de bourreaux depuis la maison reconstruite près du camp. Chaque pièce était munie de caméras télécommandées, permettant au réalisateur de scruter scrupuleusement les actes intimes des artisans de l’horreur semblable à un entomologiste.
La demeure des Bertrand de Gilles Perret
Gilles Perret a déjà tourné en 1997 dans cette ferme agricole de la vallée du Giffre, en Haute-Savoie, pour son film Trois frères pour une vie . Cette même ferme a fait l’objet d’un reportage en 1972 par Marcel Trillat. Pur sa dernière réalisation, Perret décide de fusionner ces diverses images pour retracer sur trois époques et un demi-siècle, l’histoire de cette exploitation agricole et de cette famille, ainsi qu’un récit implicite de l’agriculture française. Les générations et les époques dialoguent, notamment entre celle qui a le choix de poursuivre l’activité agricole, et celle qui n’a jamais eu à faire ce choix
Le film La demeure des Bertrand , émouvant et esthétiquement beau avec ses paysages ruraux et montagneux, offre une perspective positive de l’agriculture à une époque où les conditions de travail des agriculteurs sont décriées, et où certains vivent une situation préoccupante.