La metteuse en scène Louise Courvoisier, qui a seulement 30 ans, nous offre une saga à la fois sentimentale et fromagère, qui conjugue dureté et éclat. Le film, « Vingt Dieux », est un hommage amusant et poétique à la vie rurale, tourné dans le Jura, berceau de son enfance.
Juste avant la projection, Thierry Frémaux, le directeur du festival de Cannes, exprime clairement les attentes : « Au bout du film, la préparation du fromage du Jura ne sera plus un mystère pour vous. » Les participants dans la salle Debussy, qui abrite la sélection Un certain regard, savent désormais à quoi s’attendre. En effet, le fromage comté est un modèle crucial dans la première réalisation de grande envergure de Louise Courvoisier, et pas que cela.
En fait, c’est dans les régions où elle a passé son jeune âge que cette réalisatrice de presque 30 ans a tracé le parcours de Totone. À l’âge de 18 ans, ce jeune homme, fils d’un agriculteur, est plus captivé par le désir de faire le clown de manière déshabillée sur la table d’un petit bar de quartier plutôt que de donner un coup de main à son père en agrémentant leur coopérative familiale. Cependant, la mort soudaine de son père va transformer cet état de choses, l’incitant à s’occuper de sa jeune sœur et à gagner de quoi vivre. Il envisage alors de préparer la meilleure variété de comté pour gagner un concours agricole doté de 30 000 euros.
L’aspect rural tel qu’il existe
Louise Courvoisier dépeint la vraie vie de la campagne tel qu’elle est. Cette jeunesse qu’elle comprend bien, où l’on se soutient dans les moments de tracas, où l’on roule avec les cheveux qui volent au vent sur les routes départementales, les jambes serrées sur une 50 cm3 qui fait grand bruit, où les querelles se résolvent par des batailles et où on drague le samedi soir lors des fêtes de village. L’image est soignée et les couleurs sont vives.
Les acteurs, qui ne sont pas professionnels, sont recrutés à l’occasion de castings impromptus lors des compétitions de motocross ou de stock-cars et les comices agricoles de la région culmine avec une véritable étonnante aisance pour passer du métier d’agriculteur à celui de comédien. Clément Favreau interprète un Totone impulsif et gaffeur, Maïwène Barthelemy (Marie-Lise) endosse le rôle d’une jeune agricultrice sexy et indépendante et Luna Garret (Claire) joue le rôle d’une petite sœur déterminée à soutenir son grand frère, plutôt brut.
Un amour brut
Les amis, la famille, les petits amis, dans cette communauté réticente à s’exprimer, les actes sont favorisés aux longues conversations. De ce fait, la préparation du fromage comté prend une tournure dramatique. Les grandes cuves en cuivre, la lente augmentation de la température, la coupe du caillé et finalement l’écrémage délicat avec le lactosérum : le processus est superbe grâce à la mise en scène. Il faut voir comment les petites mains de la fille de 7 ans malaxent le lait caillé, évaluent sa densité.
Vingt Dieux est un film qui raconte un amour brut, de la terre et de la vie agricole sans fard, dans toute sa splendeur, avec une pointe d’humour en prime. À l’instar de cette scène d’amour qui suscite des rires, entre deux missions secrètes pour subtiliser le lait qui servira à confectionner le meilleur des fromages.
Louise Courvoisier, lauréate du premier prix de la Cinéfondation à Cannes en 2019 pour son court-métrage de fin d’études Mano a Mano, réalise une œuvre sensible et émouvante.
Où l’on s’étonne que l’on peut être touché par une course de stock-cars et qu’à l’heure des retrouvailles, avec le comté déjà bien affiné, on est un peu déçu que le film soit déjà terminé.
Infos complémentaires
Genre : drame
Réalisateur : Louise Courvoisier
Acteurs : Clément Favreau, Luna Garret, Mathis Bernard, Dimitry Baudry, Maïwène Barthelemy, Armand Sancey Richard, Lucas Marillier
Pays : France
Durée : 1h30
Sortie : 11 décembre 2024
Résumé : À 18 ans, Totone a pour habitude de savourer des bières et de participer aux festivités du Jura avec ses amis. Néanmoins, la réalité le rattrape : il doit veiller sur sa jeune sœur de 7 ans et trouver une manière de gagner sa vie. Il se fixe alors comme objectif de produire le meilleur comté de la région, lequel lui permettrait de remporter la médaille d’or du concours agricole et 30 000 euros.