François Bayrou a initié des pourparlers avec des membres de la gauche, à l’exception des Insoumis, dans l’objectif de finaliser le budget et d’éviter une motion de censure. Quelle est l’étendue possible de cette collaboration ?
Nous serons bientôt fixés, probablement avant le mardi 14 janvier 2025, date à laquelle le Premier ministre présentera sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale. Parviendra-t-il à échapper à la censure, et à convaincre les députés socialistes, ainsi que potentiellement leurs collègues écologistes et communistes, de rejeter la proposition de texte déposée par les Insoumis ? Cela pourrait se produire, mais sans garantie.
Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a de nouveau rencontré, le soir du mercredi 8 janvier à Bercy, les trois groupes politiques de gauche. Le leader du PS, Olivier Faure, exige des « concessions significatives », tandis que François Bayrou se dit prêt à réexaminer « sans préjugés » la réforme des retraites, y compris l’âge légal du départ fixé à 64 ans.
François Bayrou et les socialistes, une relation au long cours
François Bayrou n’en est pas à sa première négociation avec les socialistes. C’est une relation qui dure depuis longtemps. Sa première rencontre remonte à l’époque de François Mitterrand, il y a trois décennies. Alors qu’il était ministre de l’Éducation dans le gouvernement de cohabitation dirigé par Édouard Balladur, le jeune Bayrou fut séduit par Mitterrand et par la profondeur littéraire qui caractérisait l’ancien président. Tant et si bien qu’en décembre 2024, lorsqu’il a été nommé à Matignon, il a choisi de citer le premier chef d’État socialiste, qui avait commenté son élection du 10 mai 1981 par ces mots : « Enfin, les problèmes commencent… » En définitive, cette attirance ne s’est pas concrétisée par un changement de camp de la part de François Bayrou.
Un nouvel épisode s’est déroulé en 2007 : après être arrivé 3e au premier tour de l’élection présidentielle et en désaccord avec Nicolas Sarkozy, Bayrou est apparu à la télévision aux côtés de Ségolène Royal, mais a opté pour le vote blanc. La candidate socialiste a confié qu’entre les deux tours, elle avait même essayé de le persuader en se rendant sous ses fenêtres. François Bayrou n’a pas cédé.
Les séduiseurs et les séduits
En 2012, François Bayrou a cette fois-ci appelé à voter pour François Hollande. Tout le monde s’en rappelle, à commencer par Nicolas Sarkozy. Ce soutien a été crucial pour François Hollande, qui l’a remercié en contribuant à sa défaite aux législatives, un mois plus tard. L’ancien président réfléchit encore aujourd’hui à cette décision, même s’il rejette la faute sur la dirigeante du PS de l’époque, Martine Aubry, qui avait présenté une candidate contre Bayrou. Si François Hollande avait élargi sa majorité pour inclure les centristes, son mandat aurait peut-être été plus serein, mais il n’a pas osé.
De nos jours, François Bayrou se trouve dans une situation où il n’a plus d’alternative. Pour la première fois, les rôles sont renversés. C’est lui qui doit « courtiser » les socialistes, qui sont désormais les « courtisés ». Pour rester en place à Matignon, comme dirait Jean-Claude Dusse, il est grand temps de conclure. La stratégie est bien connue : « Oublie que tu n’as aucune chance, vas-y, sur un malentendu, ça peut passer. »