Jean-Marie Le Pen, personnalité emblématique de l’extrême droite en France et candidat arrivé au second tour de l’élection présidentielle de 2002, est décédé mardi à Garches, dans le département des Hauts-de-Seine. Âgé de 96 ans, il était hospitalisé dans cet établissement depuis plusieurs semaines.
Jean-Marie Le Pen et la censure littéraire
Dans les années 1990, Jean-Marie Le Pen clamait mordicus qu’il ne souhaitait imposer aucune censure. Pourtant, à la fin de cette décennie, il obtint l’interdiction d’un roman qu’il considérait diffamatoire. Le livre en question, intitulé Le procès de Jean-Marie Le Pen et écrit par Mathieu Lindon, fut retiré des étagères. Cette affaire atteignit même la Cour européenne des droits de l’homme, qui se prononça en défaveur de Lindon. Selon l’auteur, cette décision reflétait une logique inquiétante : "Si l’on suit ce raisonnement, cela signifie que l’écrivain doit ignorer le réel. Et si un écrivain ne peut s’intéresser au réel, il lui est impossible d’écrire."
Mathieu Lindon avait imaginé un scénario où Jean-Marie Le Pen serait personnellement responsable du meurtre raciste d’un jeune commis par des militants de son parti. Bien qu’inspiré d’un crime réel de 1995, l’affaire Ibrahim Ali, le leader n’était nullement impliqué dans ce drame. Ce cas de censure suscita une vague d’indignation parmi les écrivains. "Un tel événement doit nous alerter, commentait Philippe Sollers. Lorsque la société vacille, la littérature se trouve en première ligne. C’est un indicateur."
La cible des humoristes
Pour chaque victoire en justice, combien de tentatives échouées ? En 2002, au cours de l’intervalle entre deux tours électoraux, il y eut une tentative d’interdiction d’un film. Il s’agit de Féroces, qui brosse le portrait d’un parti d’extrême droite à peine déguisé. La justice repoussa la requête du Front national, marquant la fin d’un périple tumultueux. "Ce film a été certainement le projet le plus ardu que nous ayons réalisé, et il est inouï," ajoutait le producteur Miguel Courtois. "Cela nous a demandé des années de travail. Aucun financeur ne voulait monter à bord. Nous avons sollicité tous les acteurs du milieu, toutes les coproductions, mais toutes ont rejeté ce projet."
En somme, peu de projets sur le FN ont vu le jour durant l’époque de Jean-Marie Le Pen, même si le cinéma a davantage abordé le sujet sous la présidence de sa fille, Marine Le Pen. Cependant, les humoristes ne manquèrent jamais l’occasion de le tourner en dérision : "Je crois qu’il y a plus d’empathie dans le regard d’un chien lorsque sa queue frétille que dans la queue de Le Pen quand son œil bouge," ironisait Pierre Desproges. Ou encore, par la satire de sa marionnette dans "le Bébête Show" : "Je suis l’opposé d’une tartine. Pour faire une tartine, il faut du beurre sur du pain. Moi, je m’amuse à distribuer des pains sur les beurs." Nicolas Canteloup parodiait de même, prétendant : "J’ai beaucoup d’affection pour le Maghreb. Peut-être que vous ne le savez pas, mais je fus bénévole en électricité en Algérie."
« La jeunesse en colère contre le Front national »
La figure du leader FN a été raillée, voire insultée, aussi dans le domaine musical, notamment avec Porcherie de Bérurier Noir et son refrain saisissant : "La jeunesse emmerde le Front national." Un slogan encore repris de nos jours dans les manifestations de gauche. Les paroles de Zazie furent plus mesurées dans sa chanson Tout le monde il est beau : "Au risque de froisser Jean-Marie." Les groupes Zebda avec La Bête et Sinsemilia avec La Flamme ont aussi dénoncé ce chef de l’extrême droite.
Les chansons pro-Le Pen sont très rares et proviennent généralement d’artistes moins renommés. On peut citer #JMLP de Croq Blanc. L’un des rares grands noms à afficher de l’amitié pour Jean-Marie Le Pen fut Alain Delon. Dans une interview avec Marc-Olivier Fogiel, lorsqu’on lui demande si Le Pen est un ami, Delon répond : "Oui, depuis 30 ans." "Ce n’est pas quelqu’un que je vois quotidiennement, mais je ne l’ai jamais rejeté. Je n’ai jamais renié mes amis, quelles que soient leurs actions." Cependant, Delon a ajouté ne jamais avoir voté pour lui. Ce n’est qu’en 2013, après le déclin de son ami, qu’il exprima publiquement une quelconque proximité avec le FN.