Dans un portrait consacré à « Alexis Kohler, le personnage discret aux côtés du Président », l’émission « Complément d’enquête » évoque de façon approfondie l’affaire qui a conduit à la mise en examen du collaborateur d’Emmanuel Macron pour « prise illégale d’intérêts ». Durant une période de six ans, où il était en poste au sein du ministère de l’Économie à Bercy, le haut fonctionnaire a-t-il fait preuve de transparence concernant ses liens avec les actionnaires de l’entreprise MSC ?
Alexis Kohler aurait-il caché sa relation étroite avec la famille Aponte? C’est par l’intermédiaire de l’épouse du fondateur de MSC, Rafaela Aponte, qu’Alexis Kohler a des liens familiaux avec les dirigeants du premier armateur mondial. Elle est la cousine germaine de sa mère, Sola Hakim. Pendant des années, seuls quelques collaborateurs très proches connaissaient ces liens – alors même que le haut fonctionnaire représentait l’État français dans des dossiers liés à MSC.
Entre 2008 et 2012, en poste à l’APE (l’Agence des participations de l’État) à Bercy, Alexis Kohler a notamment siégé au conseil d’administration de STX (futurs Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire), dont MSC est le principal client. Il aurait participé à des votes concernant directement l’armateur. Il affirme n’avoir fait qu’appliquer les directives données par ses supérieurs et relayer la position de l’État actionnaire.
## Un déport curieusement informel
En 2012, devenu directeur adjoint du cabinet du ministre de l’Économie Pierre Moscovici, Alexis Kohler aurait de nouveau eu accès à des informations concernant MSC. A l’époque, alors que la société STX est en difficulté, Bercy cherche à remplir son carnet de commandes, avec notamment des paquebots MSC. Pour éviter un conflit d’intérêts, le cabinet du ministre affirme avoir organisé un déport, c’est-à-dire une mise en retrait d’Alexis Kohler de tout ce qui touche de près ou de loin MSC – et donc, logiquement, STX également. Mais ce déport n’aurait pas été formalisé par écrit, et seul un très petit nombre de fonctionnaires en auraient été informés.
En conséquence, selon les informations de « Complément d’enquête », A. Kohler aurait reçu une douzaine de messages et de notes ministérielles liées à MSC. Ainsi que des mails envoyés par Julien Denormandie, officiellement en charge de MSC, déjà évoqués par le média Off Investigation. Dans six de ces mails, MSC est explicitement mentionné – pour une demande de liquidité publique, une offre de financement, un rendez-vous… Interrogé à ce sujet par « Complément d’enquête », Julien Denormandie n’y voit rien d’anormal dans le contexte du « fonctionnement d’un cabinet ministériel ».
## Des mails qui interrogent
L’un de ces mails, à l’objet « confidentiel », évoque l’actionnariat de STX et fait référence à un conseiller financier de MSC. Alors qu’il est censé être déporté, Alexis Kohler y répond, et donne son avis. Toujours selon Julien Denormandie, l’actionnariat de STX serait « un sujet qui ne concerne pas MSC en premier lieu, c’est l’avenir de nos chantiers navals… » Un avenir garanti en partie par les commandes de MSC…
Le 25 mars 2014, le patron de STX (qui a refusé de répondre aux questions du magazine) écrit ceci à Alexis Kohler : « Merci au superviseur discret que tu as été ». « Superviseur discret », un terme qui interroge… et que « réfute totalement » Julien Denormandie.
Extrait de « Alexis Kohler, l’homme de l’ombre du Président », un document à voir dans « Complément d’enquête » le 30 mars 2023.