Est-ce que le Rassemblement National se dirigerait vers un changement écologique ? Jeudi dernier, un long discours en faveur de l’environnement a été prononcé par Jordan Bardella. Cette démarche est le fruit d’une stratégie bien pensée. La chronique politique de Jean-Rémi Baudot.
Jordan Bardella semble avoir amorcé sa « mue écolo » jeudi soir. Lors d’un événement organisé par le magazine d’extrême droite Valeurs Actuelles, il a débattu avec le journaliste Hugo Clément. Les deux hommes, qui a priori ont des opinions divergentes, se sont accordés sur l’importance de lutter contre le réchauffement climatique.
Le climat est un sujet sur lequel le Rassemblement national (RN) n’est pas très convaincant : Marine Le Pen éprouve des difficultés avec cette question et a parfois tenu des propos contradictoires. Cependant, certains membres du RN élaborent progressivement un nouvel argumentaire. Une écologie de droite, patriotique et revendiquée. « Il ne faut pas laisser l’écologie à la gauche », insiste ainsi Jordan Bardella. Selon lui, cette dernière serait catastrophiste, punitive, excessivement moralisatrice et entraînerait une perte de souveraineté.
Une écologie « patriote », en opposition à l’écologie de gauche
D’après le président du RN, l’écologie consiste à dénoncer la mondialisation et le libre-échange et à promouvoir agriculture et productions locales. Il s’agit de respecter la terre, les animaux, les traditions, et aussi de miser sur le nucléaire et les éventuelles avancées technologiques. L’objectif est de ne pas imposer trop de contraintes écologiques et financières sur les classes moyennes et les automobilistes. « Quand on est patriote, on a le souci de son peuple et de son environnement », explique-t-il.
Le localisme et le terroir sont des arguments traditionnels au RN. Ils font même partie intégrante de la pensée d’extrême droite, de Charles Maurras à Hervé Juvin, eurodéputé qui défend ce sujet au RN depuis des années. Ce qui est nouveau, c’est de centrer le discours autour de cette question. Pour Jordan Bardella, l’écologie devient un argument utile pour parler à la fois de souveraineté, de respect de la terre et de fermeture à l’étranger.
Lorsque Hugo Clément évoque les « vagues d’immigrations massives que personne ne pourra arrêter » comme conséquences du réchauffement climatique, le président du RN est ravi. Ce discours peut toucher des Français qui s’inquiètent pour la France autant que pour la planète et qui recherchent du « bon sens paysan » sans nécessairement adhérer à la vision d’Europe Écologie Les Verts (EELV) sur la décroissance ou les questions sociétales.
Du marketing politique plutôt qu’une véritable sincérité écologiste
Du côté des écologistes de gauche, on écarte cette approche. Yannick Jadot décrit l’écologie d’extrême droite comme « caricaturale ». Son entourage rappelle que des courants naturalistes ont toujours existé à droite et qu’ils sont marginaux. C’est vrai, mais si longtemps l’écologie a été portée par la gauche, le sujet n’est plus marginal. Il est devenu majoritaire. La question est désormais de savoir qui saura le récupérer et en faire un récit.
On ne parle pas de pureté du message, de sincérité, de crédibilité, d’efficacité pour lutter contre le changement climatique ou de solutions réalistes. On parle de marketing politique.
Le social était autrefois un sujet de gauche. Aujourd’hui, c’est Marine Le Pen qui est perçue comme étant en première ligne sur cette question. En étant habile, rien n’empêche un Jordan Bardella ou une autre figure de droite de tenter de récupérer l’écologie pour 2027.