Andry Rajoelina est confronté au risque d’une démarche visant à le destituer : on lui fait le reproche d’avoir acquis la citoyenneté française en novembre 2014.
À Madagascar, la double nationalité est autorisée pour tous, y compris le chef de l’État, à condition de l’obtenir dès la naissance par filiation. Cependant, si une personne majeure demande une autre nationalité, elle perd sa nationalité malgache selon la loi. C’est le cas du président Andry Rajoelina, qui a obtenu la nationalité française à l’âge de 40 ans, le 19 novembre 2014.
Naturellement, cette information n’a pas été rendue publique, étant donné qu’elle ne va pas de pair avec l’image nationaliste d’Andry Rajoelina, qui se montre souvent très ferme vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale.
Un secret révélé
Cette information est restée cachée jusqu’à la semaine dernière, lorsqu’une source anonyme a envoyé aux médias une copie authentifiée du journal officiel dans lequel figure la naturalisation d’Andry Rajoelina, ainsi que celle de sa femme et de ses enfants, signée par l’ancien Premier ministre français Manuel Valls.
Ce changement de nationalité implique qu’en 2014, en devenant français, Andry Rajoelina a perdu sa nationalité malgache. Par conséquent, il n’aurait jamais dû se présenter à l’élection présidentielle de 2018. L’opposition à Madagascar est furieuse et indignée, dénonçant une « trahison » et une « faute morale ». Le parti MMM (Malagasy Miara-Miainga) demande des explications sur un « sujet qui offense la souveraineté des Malagasy qui ont été trahis ».
Cette naturalisation faisait partie d’un accord selon lequel Andry Rajoelina, arrivé au pouvoir en 2009 suite à un coup d’État, devait se retirer temporairement de la vie politique pour permettre au pays de tourner la page de la transition. À cette période, il vient vivre en France avant de revenir sur la scène politique malgache pour l’élection de 2018.
Un président pas pressé de s’opposer à la France
Ces révélations sur la nationalité française d’Andry Rajoelina jettent une lumière nouvelle sur certaines de ses décisions politiques, notamment son manque de progrès dans le dossier épineux des îles Éparses, revendiquées par Madagascar mais toujours sous souveraineté française, ou encore sa volonté d’emprunter de l’argent à la France pour financer un projet de téléphérique construit par des entreprises françaises.
Pour l’instant, les proches du président font tout pour éviter que l’affaire ne prenne de l’ampleur. Ils interprètent les textes de loi de manière à ralentir les démarches, afin d’éviter une plainte devant un tribunal de première instance d’Antananarivo ou la constitution d’une commission d’enquête parlementaire qui pourrait aboutir à une procédure de destitution.
La directrice de cabinet du président, Romy Voos Andrianarisoa, interrogée par Le Monde, explique qu’Andry Rajoelina « est né de père et de mère malgaches, est français depuis son arrière-grand-père et par filiation, et qu’il assume parfaitement les deux nationalités ». Ses opposants espèrent le disqualifier pour la prochaine élection présidentielle, prévue en novembre, mais il ne compte pas leur donner ce plaisir.