Avant même le début de l’année scolaire, cette robe longue et volumineuse est au centre des débats concernant la laïcité. Que désigne-t-on précisément par ce terme? Nous avons voulu le savoir en interrogeant des experts sur le sujet.
L’interdiction de l’abaya à l’école en France
Le terme de discussion en ce début de semaine en France est définitivement l’abaya. Le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal a déclaré le 27 août 2023 que le port de cette robe longue allait être interdit dans les écoles en France. Cela fait suite à plusieurs mois de débats dans certains établissements qui sont remontés à la hiérarchie de l’Etat, le tout dans le souci de promouvoir la laïcité.
Comme escompté, cette décision devrait mettre fin aux controverses entourant le port de cette robe traditionnelle par certaines élèves musulmanes. Dès sa nomination, le ministre avait établi fermement sa position sur les questions de laïcité, affirmant que le port de l’abaya à l’école est « un acte religieux visant à tester la résistance de la République au sanctuaire laïque que doit être l’école ».
Selon la loi du 15 mars 2004, « dans les établissements scolaires publics, tenues et signes ostensibles d’une appartenance religieuse sont interdits ». C’est dans une circulaire du 9 novembre 2022 que le ministère de l’Éducation a noté que le Conseil d’État distingue les signes ou tenues qui manifestent « naturellement une appartenance religieuse » de ceux qui « peuvent le devenir » en raison « du comportement de l’élève ». Selon cette même circulaire, les abayas font partie des tenues pouvant être interdites si elles sont « portées de manière à manifester ostensiblement une appartenance religieuse ».
« Elégante robe chemise longue », « kimono »…
Mais alors, qu’est-ce exactement que l’abaya en pratique ? En effet, l’abaya se traduit littéralement de l’arabe en français comme « robe » ou « manteau ». C’est un vêtement traditionnellement porté par les femmes des pays musulmans du Moyen-Orient, mais qui est récemment apparu en plus grande quantité au Maghreb, pour aider à faire face à de hautes températures. En Arabie saoudite, l’abaya noire était obligatoire pour les femmes dans les lieux publics jusqu’en 2018, année où le prince héritier Mohammed ben Salmane a précisé que son port n’était pas obligatoire dans l’islam et dans le pays. Malgré cette déclaration, en pratique, l’abaya, qui est parfois proposée dans de nombreuses autres couleurs vives, reste toujours la norme. Le qamis, long et large, est la version masculine de ce vêtement qui se distingue par des longueurs de manches différentes selon les modèles. Il est porté dans de nombreux pays arabes et certains pays africains.
Cependant, une robe longue et ample « à l’occidentale » s’arrête là. Cécile Duflot a joué avec cette idée en postant une « somptueuse robe longue style chemise » de la marque Prada sur X, autrefois connu sous le nom de Twitter. Cette « astuce » a permis de piéger certains utilisateurs du réseau social.
« Il s’agit d’une tenue culturelle, plutôt que religieuse, non », affirme Samira, propriétaire du Dubaï Store à Villejuif (Val-de-Marne). « C’est une robe traditionnelle pour femmes, ample, avec des manches longues. Elle peut être portée seule ou avec d’autres vêtements en dessous ». Elle ajoute : « « L’abaya couvre tout le corps à l’exception du visage, des cheveux, du cou, des mains… Il ne faut pas la confondre avec le djilbeb, qui est un vêtement religieux couvrant tout le corps, avec une capuche, que l’on peut porter dans une mosquée par exemple »« , explique-t-elle à Franceinfo.
Une autre boutique spécialisée a ajouté que l’abaya pouvait être comparée à un « kimono » en raison de sa forme ample et longue. Selon les modèles, les abayas peuvent être composées d’un seul morceau de tissu à enfiler par la tête, « d’une matière fluide facile à enfiler« , tandis que d’autres sont dotées de systèmes de fermeture à zip ou à pression.
« Une tenue plus adaptée aux jours de fête »
Selon Samira, l’abaya, dont le prix d’entrée se situe autour de trente euros, est achetée par des clientes de tous âges, voilées ou non. Cependant, elle remarque que « ce ne sont pas les robes les plus vendues : ce sont les parfums !« . « Les abayas sont des robes habillées, fluides, qui sont particulièrement populaires pour les jours de fête, comme l’Aïd. Il peut s’agir de robes simples, mais aussi plus sophistiquées : les nôtres viennent de Dubaï et sont ornées de strass, de broderies, de décorations du Moyen-Orient », a-t-elle ajouté.
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) soutient également que l’abaya est un signe culturel, pas religieux. « Nous poursuivons un fantôme vestimentaire », répond Tareq Oubrou, le grand imam de la Mosquée de Bordeaux sur Franceinfo. Il ajoute qu’il pense que « le problème de fond n’est p as abordé ». « L’abaya n’est pas un vêtement religieux, car le droit canonique musulman ne prévoit pas de signes religieux ni de vêtements religieux », affirme Tareq Oubrou, qui considère l’abaya plutôt comme une « tendance » actuellement adoptée par les Maghrébins et les Africaines « pour des raisons de pudeur, de religion, mais peut-être aussi pour des raisons complexes et morphologiques ».
En effet, plusieurs grandes marques de prêt-à-porter de luxe ont déjà commencé à cibler cette tendance – et surtout la clientèle fortunée intéressée – en commercialisant des modèles de robes longues et amples qui reprennent les codes de l’abaya traditionnelle. Par exemple, en 2016, Dolce & Gabbana a lancé une ligne d’abayas et de hijabs avec plusieurs modèles brodés de différents motifs.