Personne ne peut prédire à quoi ressemblera demain, mais une chose est sûre : si l’humanité ne repense pas sa relation avec l’environnement, il n’y aura pas d’avenir. Deux douzaines d'artistes ont été invités à participer à une exposition collective à Paris intitulée « Demain est annulé – Art et regards sur la modération ». Ils ont exploré le concept selon lequel moins c’est plus.
Du coût de la vie à l'inflation, en passant par la guerre et le réchauffement climatique, le mot « catastrophe » semble être présent sur toutes les chaînes d'information.
L’idée d’organiser une exposition d’art autour de la notion d’austérité face à une planète en déclin ne semble donc probablement pas très enchanteresse.
Mais c'était justement le défi de l'équipe de commissaires à l'origine de l'exposition « Demain est annulé – Art et regards sur la modération » à la Fondation groupe EDF à Paris, présentée jusqu'au 29 septembre.
« C'est difficile de faire une exposition sur la sobriété. Au début on se disait 'tout le monde va sortir de cette exposition et se suicider, ça va être horrible' », raconte Nathalie Bazoche, responsable du développement culturel à la fondation. , une filiale de la société nationale française de l'énergie Électricité de France.
Sobriété, ou sobriété en français, peut signifier soit solennel, soit sobre (ne pas boire d'alcool) en anglais, mais pour le bien de l'exposition, il a été traduit par modération.

Dans un premier temps, le titre barré envoie un message négatif, il laisse penser que quelque chose ne va pas. Le téléspectateur est intrigué de savoir pourquoi demain pourrait être annulé et qui l'a annulé.
Les lignes derrière le texte proviennent d'un triptyque graphique conçu par l'artiste français Rero, qui a emprunté les « bandes chauffantes » inventées par le climatologue Edward Hawkins pour démontrer les différences de température de la Terre au fil du temps.
Les lignes verticales colorées en bleu et en rouge représentent les fluctuations de température enregistrées au fil des décennies.
Aux côtés de Rero, 22 autres artistes contemporains, pour la plupart français, ont été invités à prendre en compte la crise climatique et à interpréter le concept de « modération ».
Moins peut-il être plus ?
Que se passerait-il si l’humanité choisissait de réduire le consumérisme rampant et d’apporter de sérieux changements à son mode de vie ?
Peut-on se contenter de moins ? Moins peut-il être plus ? L’innovation technique peut-elle servir le progrès social, politique et écologique ?
Le résultat est une sélection éclectique et surprenante d'œuvres dans différents médiums allant de la photographie, de la sculpture, de la vidéo, de l'architecture et de la peinture, réparties en cinq espaces.
Dans l'espace dédié à « l'incertitude », se trouve une immense sculpture composée de capsules de bouteilles en plastique, de filets de pêche et de tubes de dentifrice de l'artiste zimbabwéen Moffat Takadiwa – un message à la société occidentale sur le colonialisme, représenté par les déchets plastiques.
Dans la section « spiritualité », la performance vidéo de Rita Alaoui montre le processus de fabrication de remèdes ancestraux à partir de plantes médicinales comme le faisait sa grand-mère marocaine.
« L'idée était justement de ne pas rester sur le côté purement matériel », a déclaré à 42mag.fr le philosophe et écrivain français Dominique Bourg.
Il a été invité à être co-commissaire pour monter l'exposition aux côtés de Bazoche et Patrice Chazottes.
Bourg souligne que même si nous avons tendance à penser à la réduction du consumérisme en termes d’actions physiques (baisser la température, éteindre les lumières) et à réduire les déchets (acheter moins de vêtements, recycler), il existe également une partie intangible importante du processus.
Il s'agit, dit-il, de remettre en question ses valeurs et de trouver une forme de spiritualité, en harmonie avec l'environnement.
Renaissance douloureuse
Par rapport au 16ème siècle, où les explorateurs cartographiaient le globe et où les expérimentations scientifiques prenaient leur essor, « le monde s'est rétréci, il devient plus difficile d'y vivre, nous sommes confrontés aux limites de la terre », dit-il.
« La terre est en train de donner naissance à une nouvelle façon d'être. La naissance sera un peu douloureuse », dit-il.
Nathalie Bazoche reste optimiste. « Les jeunes sont super inventifs, ils nous proposent plein de bonnes idées », dit-elle.
Demain est annulé – Art et regards sur la modération est à l'affiche à la Fondation EDF à Paris jusqu'au 29 septembre 2024.