Depuis 2016, en France, un minimum de 15 individus ont perdu la vie à cause de l’airbag de leur véhicule, avec 14 de ces incidents survenus dans les territoires d’outre-mer. Ce problème lié aux airbags, produits par la société japonaise Takata, est toutefois identifié depuis une décennie. En dépit des avertissements, les fabricants automobiles ont procédé au rappel des véhicules concernés trop tardivement.
Un accident qui aurait pu être fatal
Un jeune Béarnais, Tom Benquet, âgé de seulement 19 ans, a vécu une expérience traumatisante le 15 novembre 2023, lorsqu’il a été heurté par un véhicule en plein centre de Garlin, dans les Pyrénées-Atlantiques. Le choc violent a déclenché l’airbag de sa Citroën C3. Cependant, ce dernier ne s’est pas contenté de le protéger ; il a causé des douleurs aiguës à son épaule et une perte de sang considérable.
À l’hôpital, une radiographie a révélé la présence d’un petit morceau de métal, long de deux centimètres, incrusté dans son épaule. « On aurait dit que j’avais été touché par une balle » raconte Tom, encore sous le choc. C’est un voisin mécanicien qui a permis d’éclaircir la situation en expliquant que l’airbag ne devrait pas s’être retrouvé à ses pieds, et que ce fragment métallique provenait probablement du mécanisme interne de l’airbag. Rapidement, les recherches en ligne ont permis de découvrir que ce cas n’était pas isolé. En effet, Tom a failli perdre la vie à cause de l’airbag Takata, un nom tristement célèbre pour de nombreux incidents similaires à travers le monde.
Les dangers cachés des airbags Takata
Christian Grosjean, un expert automobile basé en Suisse, a particulièrement pointé du doigt la défaillance des airbags Takata qui, en plus de libérer le gaz nécessaire pour gonfler le coussin, projette souvent des morceaux métalliques dangereux. Selon lui, ces fragments peuvent être suffisamment puissants pour perforer un œil. Ce problème provient du nitrate d’ammonium contenu dans le dispositif, un composé chimique nécessaire pour le gonflage, mais qui devient potentiellement explosif sous les influences externes comme l’humidité et les variations de température. Cette vulnérabilité a déjà causé des centaines de victimes aux États-Unis, mettant en lumière les risques auxquels sont exposés les conducteurs, même sous des climats variés.
Les voix qui s’élèvent aux États-Unis
L’année 2014 a été un tournant lorsqu’un certain nombre d’employés de Takata aux États-Unis ont osé dénoncer publiquement et légalement les résultats décevants des tests menés sur les airbags de l’entreprise, jusque-là dissimulés par la direction. Par la suite, le FBI et la NHTSA ont ouvert des enquêtes pour faire lumière sur cette affaire troublante. David Schumann, ancien ingénieur chez le fournisseur automobile et coauteur du livre "In your Face", témoigne du chaos créé dans les laboratoires lors d’essais sur les airbags pour le compte d’Honda dès 2000. En dépit de cela, la direction a sciemment passé sous silence les incidents alors que des millions de véhicules ont été équipés de ces dispositifs défectueux.
L’implication limitée en France
En France, les réactions ont tardé par rapport à d’autres pays. Dès 2013, Honda a commencé à remplacer les airbags de certains modèles, suivie par Toyota en 2015. Pourtant, d’autres constructeurs comme Citroën ont pris plus de temps à agir, gardant les airbags Takata dans leurs véhicules. Un ancien dirigeant de l’industrie automobile explique que beaucoup de constructeurs se fiaient aux déclarations rassurantes de Takata et souhaitaient les croire pour éviter de lourdes conséquences industrielles et financières. Des rappels massifs ont été instaurés dans des pays comme la Chine, la Corée du Sud, la Malaisie, le Japon et l’Australie, tandis que la France a échappé à de telles obligations. Selon Stéphane Cesareo de Citroën, cela s’explique par l’action proactive de ces gouvernements locaux imposant un rappel de leurs véhicules.
Une expertise inattendue
En janvier 2024, Christophe Arcaute, l’avocat de la famille Benquet, assiste à une inspection de la C3 de son client, sans se douter que cela raviverait un scandale international au sujet des airbags Takata. Le fait qu’un représentant du ministère de la Transition écologique soit présent démontre l’ampleur de la situation. En effet, le Service de surveillance du marché des véhicules motorisés a déjà anticipé la potentielle gravité de ces dispositifs, notamment après un accident similaire survenu en Grèce. Suite à un rappel à Stellantis, qui s’est montré très informé, de multiples procédures judiciaires sont en cours, notamment alimentées par des poursuites envers les ventes de modèles C3, DS3, et autres.
Un retard de réaction en France met en avant les discriminations
Il a fallu plus de temps pour qu’une action concrète soit prise en France métropolitaine par rapport aux départements d’outre-mer, où plusieurs accidents avaient déjà malheureusement eu lieu. Rosemay Sauger, mère d’une victime tragiquement décédée dans un accident de DS3 à La Réunion, s’interroge sur cette approche différenciée où les Français vivant dans les DOM-TOM ne semblent pas bénéficier des mêmes protections. Ceci soulève des questions sur l’efficacité de la communication et de l’égalité de traitement au sein de Stellantis et de ses partenaires, indiquant que la lenteur d’action a retardé des progrès indispensables pour assurer la sécurité des conducteurs.
Des investigations en cours
Suite à des multiples incidents concernant des airbags Takata, des enquêtes judiciaires s’activent pour tenter de comprendre la chaîne de responsabilités impliquées. En 2016 déjà, des experts de PSA avaient anticipé les enjeux de sécurité posés par les airbags Takata, alertant le constructeur sur les risques potentiels de leur utilisation continue sans vérification stricte. Malgré ces avertissements, les rappels de véhicules sont intervenus bien plus tard, après de tragiques pertes humaines et de nombreuses blessures qui auraient pu être évitées.
Des airbags qui sèment la confusion
Les incidents attribués aux airbags prennent parfois une dimension inattendue : des blessures ou décès initialement pris pour des tirs par arme à feu se sont avérés être causés par l’éclatement des airbags Takata. Une telle confusion ne fait qu’aggraver le besoin de transparence et d’investigation sur le déploiement non intentionnel de ces dispositifs, élargissant l’ampleur du problème qui était initialement ignoré.
Beaucoup reste à faire
Alors que des rappels progressifs sont effectués, de nombreux véhicules circulent encore avec ces dispositifs dangereux. Afin de pallier ce manquement, les propriétaires sont encouragés à vérifier auprès de leurs concessionnaires l’état des airbags dans leurs véhicules et à se montrer vigilants face aux dangers encourageants des airbags Takata. L’enjeu est désormais de s’assurer que ce type de problème ne persiste pas avec la nouvelle génération d’airbags fabriqués avec des matériaux similaires. Les autorités européennes et nationales doivent intensifier leur surveillance pour protéger efficacement les automobilistes de futurs risques potentiels.