L’ancien président français Nicolas Sarkozy est de nouveau jugé ce lundi, car il a été accusé d’avoir accepté un financement illégal de campagne dans le cadre d’un prétendu pacte avec le défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi.
Nicolas Sarkozy était présent au tribunal de Paris alors que le procès s’ouvrait lundi. Il prévoit d’assister à la première phase des audiences, comme l’a déclaré à l’AFP une source proche de lui, sous couvert d’anonymat.
Le procès porte sur la question de savoir si l’ancien président français a reçu de l’argent de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi pour financer la campagne qui l’a amené à l’Élysée en 2007, avec lui et onze autres accusés, dont trois anciens ministres – Claude Guéant, Brice Hortefeux et Éric Woerth – procès permanent.
Vincent Brengarth, avocat de l’association Sherpa, partie civile, a déclaré à 42mag.fr qu’il espère que malgré la longévité et la complexité du dossier, l’intérêt du public sera à la hauteur des enjeux de ce procès.
« Cette affaire pourrait paraître, à certains égards, complètement fictive si elle n’était pas étayée par des années d’enquête approfondie », a-t-il déclaré.
Les accusations
Les premières accusations portées contre eux sont venues de Libye en 2011, juste avant la chute de Kadhafi. Le dirigeant libyen avait alors été acculé par un soulèvement populaire, soutenu par une intervention occidentale, notamment la France et le président Sarkozy lui-même.
Une agence de presse libyenne annonçait en mars 2011 que le régime libyen allait bientôt révéler un « secret susceptible de mettre en péril la carrière politique du chef de l’Etat français ».
Le fils de Kadhafi, Saïf al-Islam, a rapidement exigé dans une interview que Sarkozy « restitue l’argent au peuple libyen ». Kadhafi lui-même a déclaré peu après dans une interview au quotidien français Le Figaro que c’est grâce à eux que Sarkozy « est devenu président ; c’est nous qui lui avons fourni les fonds ».
Le site d’information français Médiapart a ensuite publié un document, présenté sous la forme d’une note rédigée en arabe et datée du 10 décembre 2006, dans lequel l’ancien chef des services de renseignement extérieurs libyens, Moussa Koussa, aurait évoqué un « accord préliminaire » pour « soutenir la campagne électorale du candidat » Sarkozy « . pour un montant de 50 millions d’euros. »
Sarkozy, alors candidat à la réélection à la présidentielle de 2012, dénonce le lendemain une infamie et porte ensuite plainte contre Mediapart, l’accusant d’avoir fabriqué un faux.
S’ensuit une longue enquête et plusieurs décisions judiciaires. Enfin, la Cour de cassation a définitivement confirmé le non-lieu prononcé en faveur de Mediapart et, sans confirmer qu’il s’agit d’un document authentique, a rejeté l’accusation de faux formulée à plusieurs reprises par Nicolas Sarkozy.
Toutefois, les juges d’instruction ont expliqué que les contestations sur l’authenticité de cette note les ont conduits à ne pas la considérer comme un élément central du dossier, même si Koussa a confirmé le contenu du document.
Après dix ans d’enquête, les magistrats ont décidé en août 2023 que les charges retenues étaient suffisantes pour traduire en justice 12 hommes, dont Sarkozy et les anciens ministres Guéant, Hortefeux et Woerth.
S’il est reconnu coupable, Sarkozy risque jusqu’à 10 ans de prison pour recel de détournement de fonds publics et de financement illégal de campagne.
Le procès doit durer jusqu’au 10 avril.
Corruption majeure
Selon les magistrats, l’affaire a en réalité commencé il y a près de 20 ans : fin 2005, Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Dominique de Villepin mais visant l’élection présidentielle de 2007, a rencontré Kadhafi à Tripoli. Officiellement, les deux hommes se sont rencontrés pour discuter de l’immigration, mais ils sont alors accusés d’avoir signé un « pacte de corruption ».
Sarkozy aurait obtenu une contribution financière pour sa campagne présidentielle, selon l’accusation, qui s’appuie sur les déclarations de sept anciens dignitaires libyens, sur les déplacements discrets de Guéant et Hortefeux avant et après, ainsi que sur les carnets du l’ancien ministre libyen du Pétrole, Choukri Ghanem, retrouvé noyé dans le Danube en 2012.
Kadhafi aurait ainsi espéré obtenir une réhabilitation internationale.
Sarkozy l’a toujours dénoncé comme une fable, voire un complot visant à lui nuire, rejetant catégoriquement les accusations.
Ce nouveau procès s’ouvre à peine un demi-mois après que la plus haute cour d’appel de France a rejeté, le 18 décembre, l’appel de Sarkozy contre une peine d’un an de prison pour trafic d’influence, qu’il doit purger en portant une étiquette électronique plutôt qu’en prison.
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La carrière de Sarkozy a été assombrie par des problèmes juridiques depuis sa défaite à l’élection présidentielle de 2012, mais il est une personnalité influente et est également connu pour rencontrer régulièrement le président Emmanuel Macron.
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Les Libyens entre ressentiment et colère
Pour les Libyens, la question de la corruption ne se pose pas. Familiers des pratiques du régime de Kadhafi, qui fournissait des fonds aux chefs d’Etat étrangers, les Libyens sont convaincus que leur pays a bel et bien financé la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007.
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« Pour les Libyens, c’est comme si cela appartenait à une époque révolue », explique au service Afrique de 42mag.fr le chercheur Jalal Harchaoui, spécialiste de la Libye au Royal United Services Institute.
« Ils sont bien conscients que Sarkozy a joué un rôle important dans le sort de la Libye en 2011. Mais les gens ne s’accrochent pas vraiment à ce cas particulier. Ils ont tendance à penser qu’il n’y a pas beaucoup de suspense quant à l’issue finale. Ils sont plutôt désillusionnés par cette situation. histoire. »
En Libye, beaucoup considèrent Sarkozy avant tout comme le personnage responsable de la destruction de l’État libyen et du désespoir qui a suivi l’intervention militaire française en 2011.
Depuis lors, leurs conditions de vie n’ont cessé de se détériorer en Libye, où la population est confrontée à la corruption, à l’instabilité et aux ravages causés par les milices et les interventions étrangères constantes.
Certaines voix se sont élevées pour réclamer que l’ancien occupant de l’Élysée soit traduit devant la Cour pénale internationale pour des crimes présumés commis contre le peuple libyen.