François Bayrou doit continuer à naviguer dans une situation particulièrement complexe. Le chef du gouvernement engage des discussions sur la réforme des retraites avec les partis de gauche qui ne sont pas affiliés à Mélenchon. En parallèle, il fait tout son possible pour ne pas froisser ses partenaires des Républicains ainsi que certains membres de son propre camp macroniste.
La réforme des retraites continue de susciter des débats animés. Les discussions entre le gouvernement et le Parti socialiste (PS) sur un éventuel accord de non-censure n’ont pas abouti, alors que François Bayrou doit prononcer sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale ce mardi 14 janvier à 15 heures. Parvenir à un accord sur la réforme des retraites adoptée en 2023 offrirait au Premier ministre un soutien plus solide et pourrait écarter le risque de censure durant la présentation du budget.
La position de François Bayrou concernant la réforme reste floue, ce qui complique sa marge de manœuvre. Le sujet divise fortement. Doit-on suspendre, geler ou marquer une pause dans la réforme ? Les mots choisis par le Premier ministre, qui a pris soin d’écrire son discours « dans ses moindres détails », seront analysés avec attention. Selon 42mag.fr et France Télévisions, Bayrou n’évoquera ni « suspension », ni « abrogation » de la réforme, mais il pourrait ouvrir la porte à des discussions avec les partenaires sociaux.
L’urgence de la suspension réclamée par la gauche
Les socialistes, les écologistes et les communistes, qui demandent l’annulation totale de la réforme, prônent au moins une suspension. Cette réforme, introduite par Elisabeth Borne en 2023, pourrait faire l’objet de renégociations sur une période de six mois avec les partenaires sociaux, exigent les socialistes. En cas de suspension effective, les personnes nées en 1963 pourraient partir à la retraite à 62 ans et 6 mois, à condition de justifier de 42 ans et un trimestre de cotisations, au lieu de 62 ans et 9 mois, avec une durée requise de 42,5 ans de cotisations.
Lundi, le gouvernement a consacré la journée à des négociations intenses avec la gauche, excluant La France insoumise qui refuse toute discussion et prévoit de déposer une motion de censure après le discours de Bayrou. À Matignon, Olivier Faure, accompagné des ministres Catherine Vautrin, Éric Lombard, et Amélie de Montchalin, a tenté de convaincre le Premier ministre de la nécessité de suspendre cette réforme.
« Ils paraissent actifs mais n’obtiennent que peu de résultats concrets », a résumé, via l’AFP, Marine Tondelier, figure de proue des écologistes, après des consultations téléphoniques avec trois ministres. De son côté, Fabien Roussel, leader du Parti communiste français, insistait sur LCI pour une approche pragmatique, demandant « un calendrier resserré pour informer les travailleurs de leur retraite possible sous six à huit mois ».
Olivier Faure a avancé une proposition de compromis à François Bayrou dans la nuit. Mardi matin, il déclarait à RMC-BFMTV qu’un accord était envisageable « dans les heures à venir » sur le budget et la réforme des retraites. « Nous pouvons conclure », a affirmé Faure, sans vouloir en révéler les détails. Accorder deux ans de répit au départ à la retraite pourrait coûter « 15 milliards d’euros par an », obligeant à explorer d’autres sources de financement, a-t-il expliqué.
La droite voit la suspension comme un point de non-retour
Face aux tractations, la droite affiche son scepticisme : les ministres issus des Républicains menacent de quitter le gouvernement si Bayrou accepte des concessions trop importantes aux demandes de la gauche. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a insisté dans Le Parisien sur le refus de toute « suspension » ou « abrogation ». Laurent Wauquiez a averti qu’une suspension sans plan alternatif reviendrait à « sauter dans le vide ». « Ce sera sans les Républicains ! », a-t-il prévenu.
Vincent Jeanbrun, député du Val-de-Marne, partageait cet avis sur Public Sénat, mettant l’accent sur la nécessité de ne pas « se lancer dans l’inconnu » lors des discussions sur la réforme. Pour les ténors du parti de droite, interrompre la réforme signifierait une rupture nette, voire un renoncement aux principes de responsabilité. Valérie Pécresse l’a déclaré sur France Inter : la participation de la droite à ce gouvernement serait impossible si la réforme était suspendue, car aller « contre les valeurs » du parti.
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, n’a rien laissé transparaître sur une éventuelle démission, mais a émis des mises en garde. « Toucher au cœur de cette réforme, c’est mettre la France en danger, fiscalement et financièrement, juste pour satisfaire la gauche », a-t-il averti lundi soir.
Un sujet clivant chez les macronistes
La question de la suspension de la réforme divise même au sein de la majorité. Certains partisans, dont Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, seraient ouverts à cette option pour garantir la stabilité politique. Invitée de « Questions politiques » sur France Inter, Le Monde et 42mag.fr, elle s’exprimait en faveur d’une courte « pause » pour rediscuter de la réforme.
D’autres, en revanche, dénoncent cette option, rappelant qu’elle coûterait environ 3 milliards d’euros en 2025. « Suspendre équivaut à abolir, ne jouons pas sur les mots », a prévenu Mathieu Lefevre, député du Val-de-Marne, qui estime que l’on ne doit pas détricoter ce qu’il appelle la « courageuse » réforme des retraites.
Pour Édouard Philippe, s’assoir à la table des discussions est une chose, mais revenir en arrière et risquer d’affaiblir la position financière du pays est à éviter. Lors d’une visite au Havre, il a souligné que placer la France dans une situation financière délicate n’était pas une bonne idée.
Le RN favorable à la suspension, mais en retrait
Le Rassemblement national (RN) s’aventure peu dans ces tractations : malgré une rencontre vendredi avec les ministres Éric Lombard et Amélie de Montchalin, Sébastien Chenu, député RN, a exprimé sa frustration envers la direction indécise du gouvernement. « Nous ne savons pas vraiment où le gouvernement souhaite aller », a confié Chenu.
Le RN affiche toutefois sa défiance envers la réforme, dénonçant la suspension comme une pure ruse politique. « Les partis de gauche se laisseront séduire par n’importe quelle promesse », a lancé Jean-Philippe Tanguy, décrivant la situation actuelle comme une illusion. Laure Lavalette, députée RN, a ajouté que Bayrou ne reviendra probablement pas sur l’âge de 64 ans, laissant entendre que ce sera à Marine Le Pen d’inverser la tendance en 2027.