Parfois, dans l’incertaine torpeur d’un matin, annonciateur d’une journée hautement onaniste, on songe soudain à écrire une lettre d’amour. Parfaitement, chers amis, une envie inexpugnable vous saisit les tripes et vous fait déverser des torrents de compliments envers une lointaine inconnue. Une nécessité absolue.
Aussi, cette lettre est semblable à un « quickie », un rapide acte uniquement motivé par le soulagement escompté, sauvage et sans chichi, la vidange en ligne de mire. Son destinataire est une légende pour nous autres journalistes à la noix, un hymne à l’espoir : la médiocrité ne sera jamais un obstacle à la réussite. Laurence Haïm nous a ouvert les yeux sur ce que nous devons être, nous, rats édentés de l’information désincarnée, gavroches puants du clavier.
Après quelques générations, on regrettera ce style désuet du journalisme-expatrié, tellement déconnecté qu’il en oublie de savoir parler aux gueux demeurés dans l’hexagone. Laurence Haïm avait compris bien avant les appels à la désertion cool du collectif « barrez-vous », elle quitte cette France décharnée et auto-centrée pour l’Amérique. Nous sommes en 1992, l’année où la Dream Team survole Barcelone et Los Angeles, s’embrase parce qu’on a battu Rodney King. Laurence est une self-made-woman (une-femme-qui-s’est-faite-presque-toute-seule), elle sait ce qu’elle veut, elle a servi des cafés dans les rédacs et obéi à Christine « Thénardier » Ockrent. Après ça, le Viêt-Nam ressemble à un pique-nique de collégiens. L’Amérique aime ces profils de battants et les récompensent toujours à la fin du film, musique héroïque et plans larges sur la grosse pomme.
Le public télévisuel n’est que l’avatar inconséquent du peuple, ramassis de beaufs qui ne connaîtront jamais le Four-Seasons.
Laurence Haïm revendique « un journalisme d’émotion » : celle qui a porté l’Affaire DSK ad nauseam, cette question si essentielle pour notre démocratie, cette pipe à 1 million de dollars, alors que le peuple inconstant voulait surtout parler de pain et du travail qui manque. Comment ne pas rester insensible à ces larmes en 2004 quand elle annonce, la mort dans l’âme, la réélection de l’inoubliable Dubya ? Là où des connards de journaleux formés au moule et finis à la pisse auraient observé la toute-neutralité ne serait-ce que par respect envers un peuple souverain, Laurence Haïm, elle, exprime son désarroi et craque. Peu importe si ça n’a rien de professionnel et que la France passe pour une mauvaise conne peu soucieuse du jeu électoral : Laurence Haïm est authentique et directe. Ses larmes nous parlent de ce peuple abscons qui ose exprimer son vote au nez et à la barbe du monde qui regarde.
Cold Hard MILF
Comment rester insensible à cette amazone du micro, torturant ses assistantes car ces jeunes pétasses le valent bien et que « de toutes façons t’as voulu faire ton stage à Washington DC ma poulette donc tu vas le payer ton séjour sinon tu pourras toujours aller sucer le boss pour taper la météo » (Source : aucune). Laurence Haïm, les traits tirés, qui ne compte pas son stress durant ce siège interminable de la demeure du hussard anal en robe de chambre. Une histoire de fion qui vient justifier son salaire quand il n’y a pas une élection d’envergure aux États de l’Union. À part ça, Laurence Haïm a un putain de fan club. Normal. Elle est la seule accréditée à la White House (à part ces gratte-merde de l’AFP). Pourtant, certaines langues de putes disent qu’elle est agitée du bocal, perso comme John Wayne s’amusant à couper la parole comme on raccourcit des bras en Sierra-Léone.
Au diable les médisants. Laurence Haïm nous enseigne qu’il est bon pour la carrière d’être partisan, que l’odeur de la moquette est douce pour les narines et que le public télévisuel n’est que l’avatar inconséquent du peuple, ramassis de beaufs qui ne connaîtront jamais le Four-Seasons. Tombons en pâmoison devant la toute-magnificence de ce regard patient et expert de la chose publique, même quand un pleutre ose égratigner le président réélu triomphalement. Laurence Haïm est une sainte relique incomprise, une ode à la cacophonie solitaire, un poème de logorrhée. Elle se dit « déçue par Obama » et nul ne doute qu’elle parviendra à infléchir la politique US et à rectifier cette satanée administration. Laurence Haïm nous apprend tous les jours qu’une mauvaise info mal-dégueulée est toujours mieux que ce silence pudique et la retenue coupable. Moi aussi je veux devenir son stagiaire.