Anne-Cécile Mailfert, qui préside la Fondation des Femmes, souligne un fait marquant : de 1870 à 1975, l’État français a jugé et condamné 11 660 personnes pour avoir pratiqué des avortements. Elle critique ces décisions, les qualifiant de résultantes de lois profondément injustes et iniques, émanant d’un système étatique patriarcal et répressif. Selon elle, de telles condamnations n’auraient jamais dû exister.
Un Devoir de Mémoire Indispensable
« C’est un devoir de mémoire incontournable », insiste Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, lors de son intervention sur 42mag.fr, jeudi 16 janvier. Elle est l’une des signataires d’une tribune parue vendredi dans Libération, à l’occasion des 50 ans de la loi Veil, qui a marqué la dépénalisation de l’avortement. Ce texte appelle à procéder à la réhabilitation des femmes condamnées pour avortement avant l’adoption de la loi en 1975.
« Entre 1870 et 1975, ce sont 11 660 personnes qui ont été traduites en justice et condamnées par les autorités françaises pour avortement », précise-t-elle, englobant dans ces chiffres aussi bien les femmes ayant eu recours à l’IVG que celles et ceux ayant apporté leur aide. « Aujourd’hui, nous pouvons nous féliciter de vivre dans un pays où, depuis 50 ans, l’avortement est un droit acquis, où l’on continue de progresser sur ce sujet. Il est même inscrit dans notre Constitution. Cependant, il n’en a pas toujours été ainsi », souligne-t-elle.
Anne-Cécile Mailfert poursuit : « Il est crucial de rappeler qu’aucune femme ne devrait se sentir coupable ou avoir honte d’avoir avorté. Si par le passé certaines ont été déclarées coupables, cela était dû à des lois iniques et injustes, le résultat d’un État patriarcal et liberticide. Ce n’est en aucun cas elles qui auraient dû être blâmées. »
Condamnée à Mort en 1943 pour Des Avortements Illégaux
Elle rappelle par ailleurs que les femmes avant 1975 « risquaient bel et bien de se retrouver derrière les barreaux ». Elle évoque le sombre exemple de Marie-Louise Giraud, exécutée par guillotine en 1943 pour avoir pratiqué des avortements dans la clandestinité.
« À la Fondation des Femmes, nous sommes déterminées à entreprendre ce travail de mémoire, à reconnaître et restaurer la dignité de ces femmes dont l’honneur a été injustement terni », déclare Anne-Cécile Mailfert sur 42mag.fr.
Anne-Cécile Mailfert mentionne également que « la sénatrice Laurence Rossignol a présenté [ce jeudi] une proposition de loi visant à charger une commission indépendante d’identifier ces injustices, de les reconnaître et d’évaluer les dommages subis. Il sera intéressant de voir si cette proposition est acceptée, dans tous les cas, ce travail de mémoire est essentiel pour restaurer leur honneur bafoué. »
La Lutte Continue
Interrogée sur la persistance de militants s’opposant à l’avortement, Anne-Cécile Mailfert observe qu’il existe encore des « courants extrêmement minoritaires cherchant à restreindre ce droit et à remettre en cause le large soutien populaire en France », tout en soulignant que « 90 % des Français se montrent favorables à l’avortement ».
Elle s’inquiète également de la montée des idées anti-avortement aux États-Unis et évoque les militants en France: « On sait que des millionnaires et milliardaires français soutiennent financièrement ces groupes. Ils induisent les femmes en erreur et cela est extrêmement nuisible. » Elle cite en exemple des sites de désinformation, tels que ivg.net, conçus par des activistes anti-avortements, ou encore des forums en ligne visant à culpabiliser les femmes cherchant des informations sur l’IVG.