Manuel du buzz-game, pour nous : les nuls.
Les temps sont durs chez 42mag.fr, on cherche en vain la bonne recette. C’est la crise, la vraie, l’inspiration bande mou, et nous autres rédacteurs sans cervelle, on a les fesses qui font bravo.
Nan, personne ne couchera avec Zemmour ni avec Ruquier, personne n’expliquera son enfance à Ardisson, même pas un petit passage sur France 3 régional. Niet ! Aucune chance de percer à l’horizon.
Au bord du gouffre, on allume M6 : Bernard de la Villardière doit nous sauver !
On l’imagine là parmi nous, nous inondant de lumière à la rédaction. Beau joueur, il nous refilerait le truc, lançant sa mèche dans un mouvement étudié par les spécialistes des ralentis chez Petrol Hahn, provocant illico l’évanouissement de trois stagiaires, terrassées par un orgasme destructeur. Rien de plus facile : SEXE, ESCLAVAGES et JUIFS.
Sainte mère de l’audimat, touché par la grâce on s’exécute.
Un combo sexe juifs et esclavage, c’est pas mal, reste à savoir comment repeindre les serveurs Google avec un semblant d’imagination.
« Dieudonné fait tapiner les Juifs du bétar » : nan, on est trop jeune pour mourir.
« La prostitution chez les Falachas d’Israël » : nan, 42mag.fr n’est pas encore sponsorisé par Arte.
« Interview de Soral : l’esclavage sexuel est contrôlé par l’empire de la banque ». Pas mal, ça fera un excellent sujet de débat dans les Kebabs de France et de Navarre.
« Être Juif et Noir, comment faire son trou ? Témoignage d’un acteur porno noir et fier, juif et millionnaire. »
Là, on avance. Là ça sent les kilos tweets et les kilos likes.
Tiens, pourquoi pas un témoignage de journalistes israéliens évoquant la sensible une de Maroc Hebdo. Celle qui évoque un péril noir et stigmatise les migrants trop bronzés. Une occase de plus pour faire la morale tout en montrant que les cons sont partout.
« À chaque fois que ça pète, ce sont les bronzés les vedettes. »
C’est presque ça, on pioche dans Respect Mag, Juifs de France versus Noirs de France. Bingo ! On contactera Thuram en le poussant dans ses retranchements sur la négritude, l’esclavage et Dieudonné. Le tout sera suivi d’un reportage exclusif sur la cohabitation des Noirs et des Juifs à Sarcelles et sur le combat d’un élu pour le boudin noir, casher et pas cher.
Avec ce combo de génie, on a de quoi inonder le mag pendant des mois, voire passer et se faire lécher chez Denisot.
Juifs + sexe + esclavages, le tiercé gagnant
AS, rédac chef, notre maître à tous, accoure, il a senti la vibration collective de nos périnées. Tel un chasseur de bison, il est demeuré tapi derrière un photocopieur, à l’affût de la moindre idée bankable qui sortirait de ce troupeau de blaireaux. Nous rappelant l’inutilité de nos vies, il décide de concentrer notre travail sur le trio gagnant.
On se lance.
Commençons par le sexe, le porno et les putes, autant de divinités omniprésentes sur Internet et à la télé. Véritable cheval de Troie commercial, c’est son côté killer de la vente qui nous guidera.
En effet, le sexe est partout, on le consomme sans le savoir, sans cet éternel amour qui le protégeait.
Et pourtant loin d’en être écœuré, on se jette vers lui, corps et âme.
Un simple cul rebondi et le clique devient compulsif, le produit donne soudain envie. Alors on songe malgré nous à une belle photo d’un anus tout rosé, en gros plan, certes, mais épilé, on est pas des bêtes.
Quant aux Juifs, c’est un peu la roulette russe du rédacteur, l’épreuve de la poutre aux JO, un salto de trop et c’est la gueule dans le décor, la maison qui brûle et la case prison. Un pet de travers et c’est l’immolation en direct chez Giesbert, le bidon d’essence pour Finkielkraut et Tariq Ramadan accourant en catastrophe un extincteur libertaire à la main.
Mais la tentation est trop forte et en bonnes ceintures noires de la connerie, on joue aux nunchaks avec le deux poids-deux mesures, on fait les kamikazes sur le papier.
Pour ce qui est de l’esclavage, il n’y a pas de quoi chier une paire de Nike. Mais dans l’inconscient collectif occidental, l’esclavage fait penser aux Noirs et au passé colonial de l’empire français.
Un peu de commerce triangulaire et l’on remue avec vigueur le couteau dans la plaie, la honte dans les chaumières, et le souvenir qu’on est tous des enculés.
Pourquoi eux et pas les travailleurs chinois ou les putes de l’Est ? Parce qu’ils sont trop silencieux. À chaque fois que ça pète, ce sont les bronzés les vedettes.
Alors on songe également aux arabes ou autres gitans racailleux, banlieusards pour la plupart, ces derniers rebuts et descendants d’indigènes qui nous lisent et avec qui on projette de prendre l’Elysée, ce blafard distributeur d’étiquettes.
Sous les claviers, la rage
Et c’est là que la haine, s’empare de nous, victimes de ce trio infernal, on se répand en projets démoniaques, on se masturbe le cortex avec du cauchemar de films catastrophes. On fusionne à l’axe du mal, on se dresse contre l’Etat.
Oui, finie cette belle république, finies les pubs pour Aost, finis les blogs sur les strings, ça sera burqa pour tout le monde, et couscous pour tous. À bas les collabos, les mécréants et le mainstream, on ne se soumettra pas à ton vouloir !
« On ne brode pas sur le néant, on développe ce qui fait mal aux fesses de beaucoup de gens. »
Finis les esclaves de cette France qui se transforme en beau musée, on prendra nos armes culturelles, nous autres citoyens opprimés, et nous le détruirons cet empire de la superficialité, celui que tous lèchent. Celui que tous prient. Celui dont on paye le prix.
Tu vois de quoi on rêve, nous autres rebelles, musulmans durs pour la plupart. Hipsters le jour et hackers la nuit. On rêve de la piraterie littéraire, de la prise d’otage des consciences, du réveil de notre génération qui sommeille depuis trop longtemps.
Nous qui tentons de buzzer pour exister, nous autres dont la concentration ne dépasse pas la durée d’un épisode de Bref, on cherche enfin à faire quelque chose de constructif, quelque chose pour marquer le coup.
Ici on manie les mots comme de la dynamite, comme à la belle époque, le bison 4 dans la crotte de chien. Sans souci autre que de te faire réfléchir et sourire.
On ne brode pas sur le néant, on développe ce qui fait mal aux fesses de beaucoup de gens.
Et aujourd’hui grâce à l’esprit de Bernard, nous revivons.