Chaque semaine, Clément Viktorovitch aborde les discussions et les problématiques politiques. Le dimanche 4 juin, il a soulevé le sujet controversé de l’assistance médicale d’État, qui offre aux individus étrangers en situation irrégulière la possibilité de recevoir une prise en charge pour certains traitements médicaux.
Les Républicains ont déclaré qu’ils pourraient envisager de soutenir une loi sur l’immigration, à condition que le gouvernement accepte, entre autres, de remettre en cause l’Aide Médicale d’État (AME). Gérald Darmanin a affirmé être prêt à en discuter. Cependant, ce débat est un piège récurrent qui revient constamment dès que l’on parle d’immigration.
L’AME a été créée en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin et a constamment été remise en question depuis lors. D’abord critiquée par le Front national, puis le Rassemblement national, et enfin une partie de l’UMP et aujourd’hui, presque tous les Républicains, tous dénoncent cette aide qui bénéficie à près de 400 000 personnes. Selon eux, l’AME créerait un « appel d’air » et serait une « pompe aspirante » qui favoriserait l’immigration irrégulière et pèserait sur le budget de l’État.
Cependant, aucune preuve objective ne permet d’affirmer cela. En octobre 2019, l’ancien Défenseur des droits, Jacques Toubon, regrettait « l’idée fausse selon laquelle l’AME conduirait à renforcer les flux migratoires illégaux ». En novembre 2019, une étude de l’Institut de recherche en économie de la santé révélait que la moitié des personnes éligibles à l’AME ne demandaient pas cette aide. La grande majorité des exilés interrogés n’évoquaient même pas la santé comme raison pour migrer. Pour ces chercheurs, limiter l’AME pour lutter contre l’immigration clandestine serait inefficace et pourrait même mettre en danger la santé d’une population déjà très vulnérable.
Il est vrai que l’AME a un coût : plus d’un milliard d’euros par an. Cela peut sembler beaucoup, mais cela ne représente en réalité que 0,5% des dépenses publiques de santé. De plus, l’AME rapporte probablement plus qu’elle ne coûte, car restreindre l’accès aux soins peut rendre le contrôle des épidémies plus difficile et coûteux. Les Républicains et le RN ne demandent pas la suppression pure et simple de l’AME, mais proposent de conserver une aide médicale d’urgence. Cependant, les médecins affirment que cette aide serait difficile à appliquer en pratique.
En effet, il serait compliqué de déterminer à partir de quel moment un soin est considéré comme « vital ». Laisser les pathologies s’aggraver pour ne les traiter que lorsqu’elles deviennent plus dangereuses pour les patients et plus coûteuses pour le système de santé soulève des questions éthiques. Par exemple, dans le cas d’une jeune fille ayant une carie douloureuse, allons-nous laisser cette enfant souffrir alors que nous pourrions la soigner ? C’est ce que signifierait concrètement supprimer l’AME. On peut le souhaiter, mais il faut alors accepter les conséquences et les souffrances qui en résultent.
L’exécutif a envoyé des signaux ambivalents sur cette question. D’un côté, Gérald Darmanin s’est dit prêt à remettre en cause l’AME. D’un autre côté, c’est cette présidence qui a contribué à restreindre l’AME. Depuis 2019, il faut justifier de trois mois de présence en France pour en bénéficier. De plus, les démarches administratives sont devenues plus contraignantes, rendant l’accès à l’AME plus difficile. Ainsi, une partie des personnes en situation irrégulière en France ne sont déjà plus soignées, et c’est le président de la République qui en porte la responsabilité.